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années du XVe siècle débuta en Provence et dans le Comtat-Venaissin la sériciculture, qui mit cent ans à se répandre dans le Haut-Languedoc. Le premier « bail à lever soie » date à Nîmes de 1610. Avec les plantations de mûriers blancs, sous lesquels on semait le blé dans les campagnes, ou dont on bordait les routes aux abords des villes, se créèrent les « moulins à soie » et, sous le nom de « manufactures, » les premiers ateliers.

Le gouvernement de Henri IV y poussait et chacun connaît les efforts personnels de Sully en ce sens. « Tout le monde, disait un fonctionnaire du temps, a abandonné le drap pour la soie, jusques aux marchands, simples bourgeois, gens de pratique, artisans et ouvriers… » mais c’est là une de ces exagérations administratives auxquelles nul ne prenait garde parce que l’usage les autorisait. Il parait qu’à Lyon les « artisanes, » — et ce mot alors signifiait une femme de petit industriel, — « s’habillaient de soie de diverses couleurs et, pour ce, s’appellent toutes Mademoiselle » (1630) ; mais c’était un fait local, particulier à ces centres de fabrication qu’étaient sous Louis XIII Lyon et Tours, dont les pannes s’exportaient en Espagne.

Exceptionnelle du reste était encore la vente au dehors des soieries françaises ; l’importation était la règle et lorsqu’on songea à prohiber l’entrée des étoiles étrangères (1633), les « Merciers grossiers, » — c’est-à-dire les négociants, commissionnaires en marchandises, — protestèrent véhémentement en ces termes : « Nous avons une expérience sur la qualité des étoffes d’Italie, que nous avons tâché d’imiter. Le feu-roi fit venir les soies, les métiers et les ouvriers même d’Italie, qui ne purent faire en France à beaucoup près de ce qu’ils manufacturaient dans leur pays ( ? ) Mais il faut considérer en cela la Providence de Dieu qui veut que tout le monde vive et que nous ne nous puissions passer les uns des autres. »

Etrangères ou françaises, les étoiles de soie étaient en vérité peu abondantes, puisqu’à cette même date on fait chercher, pour l’ameublement des galères, du damas rouge cramoisi chez tous les marchands de Paris, et « il ne s’en put trouver qui ne fut différent ; » on songe à envoyer à Gênes pour en commander, ce qui demanderait trois mois. Mais on ne va pas aisément à Gênes ; « il y a beaucoup de risques, » écrit le