Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/356

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bien que les salaires aient été beaucoup plus élevés au moyen âge qu’aux temps modernes, les costumes des ouvriers et des paysans ne diffèrent, d’une époque à l’autre, ni d’étoffe ni de prix ; leurs formes seules et leurs noms changèrent. Les bergers, vignerons, charretiers, menuisiers, serruriers ou tailleurs de pierre payaient, de 1 600 à 1 790, leurs pourpoints et hauts-de-chausses, leurs camisoles, vestes et culottes, le même prix moyen de 35 à 50 francs, que leurs devanciers, entre 1 200 et 1 600, avaient payé leurs jupons, tuniques, cottes-hardies ou chaperons. A noter, comme étiage, que l’habillement d’un prisonnier coulait 103 francs et celui d’un pauvre d’hospice 28 francs. La casaque ou « quajacque » de travail, en toile d’étoupe bleue, du journalier rural, au XVIIIe siècle, revenait à 7 fr. 50.

C’était aussi le prix de la souquenille de Petit-Jean, laquais en province chez une « comtesse d’Escarbagnas » quelconque, laquelle paie 60 francs l’habit et manteau de son cocher, modestement chamarré de galon à 0 fr. 35 le mètre. Tandis qu’il fallait 284 francs, chez S. A. le duc de Penthièvre, pour le galon, d’or, à 19 francs le mètre, de l’habit des gardes-généraux de ses bois. Leur costume, en fin drap de Sedan, revenait au total à 660 francs, compris la bandoulière écarlate à doubles armoiries brodées d’or. Aussi, bien que les simples gardes, tireurs et canardiers de ce prince, au nombre de 36 à Anet, 28 à Rambouillet, 22 à Armainvilliers, autant dans la forêt de la Brie, 16 à Vernon et 4 à Sceaux, fussent moins reluisants que leurs brigadiers, l’habillement du personnel de ses chasses lui coûtait annuellement, sous Louis XVI, une cinquantaine de mille francs.

Les gardes, les piqueurs étaient vêtus pour 100 ou 150 francs chez de simples particuliers ; d’ailleurs les prix dépendaient autant de la nature des emplois que de la qualité des maîtres. La tenue d’un marmiton chez un duc ou, chez le Roi, celle d’un « garçon de chambre, » était moins chère que celle d’un cocher de bourgeois riche et vaniteux[1]. On ne vit pas souvent d’arrêt, comme celui du Parlement de Toulouse (1620), condamnant un étudiant à 1 500 francs d’amende et à la saisie du

  1. Voyez, dans mon Nivellement des jouissances, le chapitre des Domestiques, p. 246,