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d’entente avec elle : le pays tout entier en saurait gré au souverain, et, s’il était démontré que cet essai avait échoué par suite d’un parti pris révolutionnaire de la part de la Douma, les éléments sains de la nation suivraient plus volontiers le Gouvernement dans la voie de la répression. On comprendrait même qu’après avoir épuisé tous les moyens de conciliation, le souverain eût recours à l’établissement d’une dictature militaire : tout était préférable à la situation créée par l’impuissance d’un Gouvernement devenu la risée du pays ainsi que de l’étranger.

A l’issue de l’audience qui avait duré plus d’une heure, l’Empereur, sans prendre un engagement définitif, m’autorisa à entrer en pourparlers avec les personnages mentionnés dans le mémoire, ainsi qu’avec d’autres qui pourraient être désignés par les circonstances en vue de la formation d’un Cabinet de coalition : il fut entendu en même temps que je serais secondé dans cette tâche par M. Stolypine pour lequel l’Empereur me donna un mot écrit de sa main.

Aussitôt rentré à Saint-Pétersbourg, je m’empressai de me mettre à l’œuvre ; d’accord avec M. Stolypine, j’eus des entrevues secrètes avec les principaux personnages de la Douma, en commençant par son président, M. Mouromtzoff. Les pourparlers se poursuivaient, et nous étions à la veille de nous aboucher avec M. Milioukoff qui n’avait pas encore été pressenti par nous, lorsque les événements se précipitèrent brusquement.


COUP DE THÉÂTRE

C’est le 8 juillet que j’avais présenté le mémoire à l’Empereur ; or, le 17, la Douma abordait la discussion du projet d’appel au pays qui, on se le rappelle, devait servir de réponse au communiqué du Gouvernement sur la question agraire. Ce fut l’occasion guettée par M. Goremykine pour livrer une bataille décisive. A trois jours de là, il réunit le Conseil des Ministres et lui déclara, sans même daigner prendre son avis, que la Douma ayant ouvertement adopté une attitude révolutionnaire, il avait décidé de proposer le lendemain à l’Empereur la dissolution immédiate de cette assemblée. Les membres du Conseil étaient prévenus en même temps qu’ils auraient à se réunir ce jour-là, c’est-à-dire le 21 juillet, chez M. Goremykine,