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LA RECONSTRUCTION
DE
L’EUROPE DANUBIENNE

Hohenzollern et Habsbourg : abattus par les armées alliées, deux empires et deux empereurs jonchent le champ de bataille de l’Europe centrale. Par force et par politique, deux dynasties allemandes avaient édifié, au cours des siècles, des États très dissemblables ; un même crime, aujourd’hui puni par un commun désastre, les jette bas l’une et l’autre. Mais l’œuvre des Hohenzollern, dans la mesure où elle correspond aux aspirations nationales d’un peuple, peut survivre aux Hohenzollern et demeurer, tant que le même esprit d’orgueil et de domination pénétrera les masses allemandes, aussi dangereuse sous l’étiquette démocratique qu’elle l’était sous le manteau impérial. Au contraire, l’œuvre des Habsbourg s’écroule toute avec la dynastie ; rien n’en subsiste, à peine l’ombre d’un grand nom. Cet échafaudage historique, fruit de tant de conquêtes, de subtiles manœuvres diplomatiques, de savants mariages, de brillants traités, où triomphait l’art de la « politique des Cabinets, » s’est effondré ; sous ses ruines apparaissent enfin ces hautes réalités politiques que les bureaucrates de Vienne et de Budapest s’obstinaient à ignorer, les peuples qui, sous le couvert de la monarchie dualiste, se préparaient en silence pour le grand jour de la libération : ainsi sous la carapace de la chrysalide, l’insecte s’apprête à l’essor de la vie libre.

Il dépend des alliés vainqueurs et de la forme qu’ils donneront à l’Europe centrale que cet essor ne soit pas éphémère. Pour tenir, dans la mesure utile, le rôle historique que