XVIe siècle, la lutte atteint le paroxysme de la fureur. La guerre des Hussites, sous les apparences d’une guerre religieuse, est, en réalité, l’épisode culminant de la résistance des Tchèques à la germanisation, et c’est pourquoi Jean Huss est resté, pour la Bohême, un héros national. A mesure que la monarchie des Habsbourg devient plus ambitieuse à l’extérieur, elle se fait, dans ses États héréditaires, plus oppressive, plus centraliste, plus germanisatrice. La lutte nationale, entre Allemands et Tchèques, prend, au XVIIe siècle, pendant la première partie de la guerre de Trente ans, l’aspect de la révolte d’une province contre son souverain. Après la bataille de la Montagne-Blanche (près de Prague, 1620), où l’armée tchèque est écrasée par les Allemands, après les exécutions et les spoliations qui suivirent, la Bohême, décapitée de sa noblesse nationale, livrée aux Allemands, gît, pantelante et exsangue, aux pieds de l’Autriche : telle, dans le monument du grand patriote Palacky, l’a symbolisée le ciseau dramatique de Sucharda.
Cette date de 1620 est capitale dans l’histoire des Tchèques : elle forme antithèse avec 1918. L’une est la mort, l’autre la résurrection de la Bohême. La pensée tchèque n’a pas cessé de porter le deuil de la Montagne-Blanche, comme l’âme serbe celui du Champ-des-Merles. A partir de 1620, la Bohême, en fait, n’est plus un État autonome, mais une province de la Monarchie des Habsbourg ; sa noblesse est allemande ou germanisée, et si l’Empereur va encore se faire couronner au Hradschani de Prague, ce n’est plus qu’une formalité dont Joseph II et François-Joseph se dispensèrent ; l’administration est allemande, la langue allemande gagne sur le tchèque, qui n’est plus, au commencement du XIXe siècle, qu’un dialecte rural. S’il y a encore une Couronne de Bohême, il n’y a plus de nation tchèque. Napoléon ne parait pas s’être douté qu’Austerlitz n’est pas en terre allemande ; il ne connaissait que des « Autrichiens, » que ses soldats appelaient « Kaiserliks ; » ce fut lui cependant qui, sans le savoir, apporta le ferment de résurrection, l’idée de nationalité, fille de la Révolution française. Après les guerres napoléoniennes, après les réactions nationales de 1813 à 1815, il devient de plus en plus difficile a l’absolutisme ides rois de refouler l’esprit d’indépendance des peuples. La Sainte-Alliance n’y réussit qu’à grand’peine, et si, en 1848, le « système Metternich » l’emporte encore à coups