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germanisés, très attachés à leur foi catholique, à leur autonomie traditionnelle, qu’ils défendirent avec un héroïsme indomptable contre les soldats de Napoléon ; leur type moral les rapproche des Suisses catholiques. Ils regretteront la dynastie des Habsbourg, à laquelle ils étaient très attachés, plus que l’Empire pour lequel on les a si souvent fait tuer. Le Vorarlberg vient, par un vote significatif, de déclarer que, dans certaines circonstances et à certaines conditions, il accepterait de devenir un canton suisse. La partie du Tyrol qui est de langue et de culture allemande opposera la plus opiniâtre résistance à toute domination étrangère qui tenterait de l’englober malgré elle, en totalité ou en partie.

La culture allemande, à mesure qu’elle se rapproche de la Méditerranée, se modifie et s’altère au contact des Slaves et des Latins. Déjà le dialecte viennois est moins dur que l’allemand de l’Elbe ou du Rhin. Entre Vienne et l’Adriatique, les derniers rameaux des Alpes encadrent les sites charmants de la Styrie et de la Carinthie[1]. Là vit une population d’origine celtique, comme les Ladins du Tyrol, qui fut autrefois latinisée et qui parle aujourd’hui un allemand plus riche en voyelles et plus harmonieux, qui répond mieux à la sensibilité de l’âme styrienne, à la douceur et à la pureté des mœurs des hautes vallées de la Mur, de la Drave et de la Save. Parmi ses troupeaux et ses grands sapins noirs la vie parait au Styrien bonne et douce ; il la regarde sans pessimisme ; il jouit avec sérénité de la douceur de son ciel et de la beauté de ses vallées. Son catholicisme traditionnel se nuance de poésie et garde, au fond de ses montagnes, comme un reflet lointain des anciens cultes de la nature. Le Styrien ignore l’âpre ambition, les vastes pensées et les agitations de la civilisation industrielle ; il est heureux de vivre. Cet optimisme souriant va parfois jusqu’à une sorte d’apathie, d’impuissance à vouloir et à agir. Il y a quarante ans, chez nous, certains royalistes impatients ou déçus attribuaient à la « maladie styrienne » l’inaction du prince qu’ils auraient

  1. Les parties méridionales de ces deux provinces sont Slovènes :
    Styrie : 70,49 pour 100 parle allemand.
    29,37 pour 100 parle Slovène.
    Carinthie : 78,61 pour 100 parle allemand.
    21,39 pour 100 parle slovène.
    Depuis des siècles la poussée allemande fait, aux dépens des Slovènes, un travail d’érosion ethnique.