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commerciale naturelle, elle aurait pu devenir et rester, si ses Empereurs avaient pratiqué une politique plus prévoyante et plus équitable pour tous leurs sujets, la capitale d’un grand Empire fédéral où l’élément allemand n’aurait eu que la part d’influence qui lui revient légitimement ; leur méconnaissance des conditions modernes de la vie des nations et des devoirs des souverains envers leurs sujets en a décidé autrement : la politique impériale a tué l’Empire. Avec lui ont disparu, en tant que facteurs politiques, la cour, l’aristocratie et la bureaucratie, c’est-à-dire les trois éléments sociaux qui, à proprement parler, constituaient l’Etat autrichien ; mais il reste le vieux fonds de la population viennoise, c’est-à-dire une bourgeoisie industrieuse, commerçante, mais passive et sans énergie, et un prolétariat nombreux et organisé par un parti socialiste puissant, dont la guerre et les souffrances ont accru l’influence et qui n’a, du Viennois historique, ni la passivité, ni la bonhomie.

Les anciennes provinces autrichiennes de langue allemande, avec Vienne leur capitale, constituent un tout historique qui a sa personnalité, et qui se distingue nettement des pays de l’ancien Empire allemand. Ce n’est pas la langue, ni la race, ni la forme du crâne, qui font la nationalité, mais le vouloir commun d’une collectivité humaine de s’organiser pour vivre en société et constituer un État indépendant. L’Allemand autrichien est aussi, et peut-être plus, distinct de l’Allemand prussianisé que le Belge ou le Genevois l’est du Français, ou le Canadien de l’Américain de… États-Unis. Pour qui a vu Berlin et Vienne, pour qui connaît l’âme des deux peuples et leur histoire, aucun doute ne peut subsister : les Allemands d’Autriche sont une nationalité qui a le droit, comme telle, d’être respectée et de se constituer en État indépendant, libre, et capable de vivre au même titre que les autres nationalités de l’ancien Empire des Habsbourg. C’est en ce moment tout ce qu’elle demande et tout ce qu’il est juste que les Alliés lui reconnaissent.

La grande majorité des habitants de l’Autriche allemande ne souhaitent pas d’être rattachés à l’Allemagne, qu’elle soit impériale ou démocratique, pourvu que l’Entente leur assure les moyens économiques, financiers et moraux de vivre indépendants. L’aristocratie autrichienne a toujours été antiprussienne, et, si elle est allemande de langue, elle a toujours