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ne s’est pas exténué à découvrir ce que la carapace du soldat pouvait avoir de sculptural, ni à copier les débris d’un fuselage. Il a tout bonnement fait un aigle mourant et il a bien fait. À la vérité, il faut un commentaire : la Mort de l’aigle peut aussi bien signifier la chute de l’Empire à Waterloo et c’est ainsi que l’avait compris Gérome. Cela peut même signifier, aujourd’hui, et surtout quand il est aux prises avec un coq ou un « tigre, » la fin de l’Empire allemand. Et nos sculpteurs n’y eut pas manqué. Mais tout symbole, en statuaire, a besoin d’une explication. Ce que nous devons lui demander avant tout, ce n’est pas la clarté : c’est la beauté.

Ces quelques œuvres, avec le Mouvement de troupes de M. Pierre, le Pépère et la Cagna de M. Morisset, la Rencontre nocturne de M. Hoffbauer, Au Créneau du capitaine Gaston Brun, les Morts pour la patrie, carton de tapisserie de M. Karbowski, le Drapeau du Sacré-Cœur de M. Desvallières, — curieux souvenir du René de Chalon de Ligier Richier, — et à la sculpture, la statue de Miss Edith Cavell, par M. Hippolyte Lefebvre : — voilà tout ce que la guerre a inspiré de vraiment saisissant. Il ne faut pas s’en étonner. Il y a cent ans, après la longue et splendide épopée de l’Empire, il en allait de, même. Au Salon de 1819, où ont paru le Naufrage de la Méduse, de Géricault, l’Odalisque et l’Andromède d’Ingres, la Mort du Trompette et celle de Poniatowski, d’Horace Vernet, l’Ambigu-Comique de Boilly, on ne voyait guère qu’un tableau de bataille : encore était-il dû à un militaire, le général Lejeune, homme plein de goût et de feu, qui avait fait les guerres de l’Empire et se consolait de ne plus les faire en les racontant : l’Attaque d’un Convoi français par les guérillas du général Mina. Après vingt ans de luttes et de victoires, c’est peu. Les critiques s’en étonnaient déjà. « Les annales de notre histoire, disait l’un des plus autorisés, Kératry, ne renferment-elles plus rien qui n’ait exercé le pinceau de nos artistes, rien qui puisse échauffer les âmes du saint amour de la patrie ! car celui-ci aussi est une religion… Est-ce que les pages de notre histoire récente ne parleraient plus au génie de nos artistes ! » Et il ajoutait, dominé déjà par cette idée que l’art est fonction de la vie : « Nous avons une École française ; ne serait-ce pas parce que nous sommes une nation. Il est remarquable que les arts ont fleuri chez les peuples