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de défensive active. Notons encore que des combats devant Verdun sortirent certaines règles d’emploi de l’artillerie dans la défensive, qui constituaient un sérieux progrès ; les procédés qui furent alors pratiqués contenaient en puissance l’idée du barrage roulant.

Somme toute, cette bataille fut pauvre en nouveautés techniques. Elle comptera entre toutes pourtant dans l’histoire de notre infanterie au cours de cette guerre : non pas seulement parce qu’elle fut si sanglante, mais parce que, devant Verdun particulièrement, le sang des purs fut semence de plus hautes vertus. Voici, semble-t-il, comment et pourquoi.

Nos fantassins, venant à Verdun, savaient déjà, pour y avoir tant souffert, ce qu’était leur régiment. Déjà ils avaient appris, comme il arrive dans toute bonne infanterie, que la compagnie est plus brave que tous les soldats qui la composent, le bataillon plus brave que la compagnie, le régiment plus brave que le bataillon. Déjà ils avaient éprouvé qu’en de certaines heures où les plus vaillants d’entre eux avaient sué Dieu sait quelle sueur, un surcroît de forces leur était venu de leur compagnie, de leur bataillon, de leur régiment, et ils s’étaient donc habitués à vénérer en leur régiment la plus haute personne morale qu’ils connussent : la plus haute, car leur expérience s’arrêtait à lui pour l’ordinaire et s’étendait à peine jusqu’aux autres régiments de la division et jusqu’aux rares régiments d’autres divisions que les hasards d’une bataille avaient pu pour quelques jours mener dans leur voisinage. Devant Verdun, il en alla autrement.

Par Sainte-Menehould ou par la grand’route de Bar-le-Duc, la Voie Sacrée, comme on l’appelait, où presque tous les régiments de France passèrent tour à tour, chaque régiment montait en direction de Verdun, comme vers son calvaire ; il entrait dans la bataille sous la bénédiction de ses aumôniers, la plupart des soldats confessés et absous ainsi que les croisés de jadis : et aussitôt la bataille se révélait à leurs regards si horrible en effet que les plus hardis commençaient par douter de lui : si beau qu’il fût, pourrait-il tenir ? Pourtant, ils le savaient, d’autres régiments avant lui, aux mêmes lieux, avaient tenu ; pourtant, ils le voyaient, d’autres régiments, à leur gauche, à leur droite, tenaient sur des lignes non moins intenables, et d’autres encore là-bas dans ces secteurs qu’ils regardaient au