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— Je me range avec ma patrie, mais je ne puis voter la guerre.

La presse a beaucoup raillé ces « treize mots, » mais combien de femmes à travers l’Amérique, qui, dans le secret de leur conscience, les ont approuvés ! Voici, en revanche, une note qui rend un son quelque peu différent. Elle émane d’une mère que le message présidentiel est allé toucher sur l’autre versant des Montagnes Rocheuses, en Idaho. Parlant à un « meeting » de ses pareilles, pourvues comme elle de fils en âge de servir, Mme Erwin leur a tenu ce langage :

— Pendant près de cinquante ans, j’ai vécu en paix et en joie sous les plis du drapeau étoile. J’ai construit un foyer, élevé une famille, et cela grâce aux ressources que m’offrait en abondance ce grand pays d’églises, d’écoles et de secourables institutions de toute sorte. Quel sacrifice a-t-il exigé de moi en échange de ces cinquante années de bienfaits ? Pas un. Aujourd’hui il me demande mon enfant. Puis-je hésiter à le lui donner ? Non : puisqu’il lui faut nos fils, qu’il les prenne. Envoyons-les-lui, en les couvrant de plus d’applaudissements que de pleurs. De cette façon, lorsqu’ils seront sur la rive européenne, en train de monter quelque garde solitaire, et que leur souvenir revolera vers la maison, nous serons heureuses de penser que chacun d’eux aura droit de se murmurer à lui-même : « Dieu ! la brave maman que j’ai ! Dire qu’elle avait le cœur de battre des mains à mon départ ! C’est le moins que je me montre aussi vaillant qu’elle. »

Et maintenant, écoutons les hommes. Chez ce peuple de foi, les ministres des divers cultes sont réputés pour les porte-parole les plus incontestés de l’opinion. C’était hier dimanche de Pâques. Les feuilles de ce matin publient de nombreux extraits des sermons débités à cette occasion du haut des chaires protestantes. La plupart des orateurs ont emprunté leur thème à un rapprochement tout indiqué entre le grand drame religieux d’il y a dix-neuf cent dix-sept ans et celui qui bouleverse une fois de plus la terre pour en renouveler la face. Comme alors, les hommes de volonté droite sont conviés à ceindre leurs reins, afin de faire prévaloir la loi divine de paix et d’amour contre les puissances diaboliques de haine et de destruction. C’est ce que développe avec une particulière éloquence le Dr Manning, recteur de Trinity-Church à New-York. Et il conclut :