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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/628

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— Nous avons fêté plus d’un beau Jour de Pâques dans le passé, mais celui-ci les éclipse tous. Le message pascal revêt pour nous une splendeur inusitée et singulièrement plus pénétrante, à cette heure où l’Amérique se lève pour obéir à l’ordre précis de Dieu lui enjoignant de se vouer sans restriction à une grande tâche, d’accomplir, à n’importe quel prix, un grave et inexorable devoir. N’est-il pas étrangement significatif que sa détermination finale de revendiquer sa part dans le conflit universel ait été prise le Vendredi-Saint, c’est-à-dire le jour où le plus auguste sacrifice fut consommé pour le salut du monde ? Le Président des États-Unis l’a proclamé : c’est dans cet esprit de sacrifice, c’est pour partager la commune souffrance et le commun fardeau, c’est pour aider au succès de la juste cause que nous avons embrassé la lutte. Jamais peuple ne partit en guerre avec une âme moins agressive ni plus désintéressée. Nous sommes les servants d’un idéal, et cette mission nous suffit. Si nous y mêlions des préoccupations égoïstes, j’ose affirmer que nous ne mériterions plus le nom d’Américains.

Du côté catholique, la seule voix qui, jusqu’à présent, se soit fait entendre est celle de l’archevêque de Moston, Mgr O’Connell. Dans une Lettre pastorale où éclate par moment la vieille fougue inapaisée de ses ancêtres, les rudes et belliqueux O’Connell d’Irlande, il adresse aux fidèles de son diocèse un appel tout vibrant de patriotisme, qui est presque autant d’un soldat que d’un prélat, comme on en jugera par cette page :

« Il n’y a plus aujourd’hui qu’un sentiment possible : le sentiment de l’union absolue. L’Amérique est en guerre : elle a, par conséquent, besoin de nous tous ; elle a besoin que chaque homme, que chaque femme, que chaque enfant se serrent étroitement autour d’elle pour la fortifier, lui donner du cœur, jusqu’à ce que l’heure de son épreuve soit passée et que celle de son exaltation soit venue. Donc, après l’agenouillement de la Semaine sainte, debout ! Le Calvaire nous a enseigné la beauté du sacrifice. En avant pour Dieu et pour la nation ! Que ce soit là notre cri. Ni la rancune, ni la haine ne doivent ternir la pureté de nos armes. Loué soit l’amour de la liberté, de la féconde liberté, ce don de Dieu, que plus qu’aucune autre terre notre pays a chérie, pratiquée, défendue ! Que sa généreuse vertu accélère notre pouls et fasse palpiter notre cœur d’une piété filiale encore plus ardente envers