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principales dispositions passèrent dans un traité définitif conclu moins de cinq semaines après (30 mai).

Comme celui du 11 novembre dernier, l’armistice du 23 avril avait pour objet avoué de mettre fin aux hostilités ; en réalité, il préjugeait déjà les stipulations de la paix future, car la ligne de démarcation qu’il traçait entre les armées belligérantes avait un caractère beaucoup plus politique que militaire. Les unes et les autres devaient se retirer en deçà des limites de l’ancien royaume de Louis XVI, telles qu’elles existaient au 1er janvier 1792. Par cet arrangement, la France renonçait sans doute aux places fortes et aux territoires où flottait encore son drapeau au-delà des Alpes et du Rhin ; mais elle en voyait revenir les garnisons et les troupes, et achetait à ce prix, avec la libération de ses prisonniers des précédentes guerres, l’évacuation immédiate par les Alliés de sa capitale et de ses provinces de l’Est : avantage inappréciable, lorsqu’on se rappelle les douleurs prolongées de l’occupation prussienne après 1871, et dont le bénéfice fait honneur à l’habileté de Talleyrand, qui l’avait obtenu.

Les négociations de paix ne semblaient plus désormais devoir soulever de difficultés, puisque cet accord préliminaire venait d’en fixer avec précision les bases territoriales. Elles donnèrent lieu pourtant à des discussions propres à montrer avec quelle élasticité un peuple vaincu peut se ressaisir et en imposer à ses adversaires, s’il garde lui-même l’état d’âme d’un vainqueur. Les Alliés avaient invoqué avec tant de solennité contre Napoléon le principe de l’équilibre européen que, pour paraître le respecter, ils se défendaient de vouloir anéantir la France et s’étaient même laissés entraîner à des déclarations répétées, quoique assez vagues, sur l’opportunité de lui accorder un léger arrondissement de territoire comme compensation aux larges annexions projetées par eux-mêmes. Dans une première entrevue avec leurs représentants (9 mai), les plénipotentiaires français, d’Osmond et Laforest, s’en prévalurent pour réclamer au nom de leur pays une large bande de territoire située au Sud d’une ligne tirée d’Ypres à Spire, et englobant les villes de Courtrai, Mons, Namur, Arlon, Luxembourg, Sarrelouis, Karserslautern et Landau ; elle comprenait, avec une population d’un million d’âmes, une barrière de forteresses dont de récents événements ont démontré la valeur pour la