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importantes et les plus épineuses de celles qui restaient en suspens. Gardant jusqu’au dernier moment l’espoir de les résoudre sans la France, et de rompre à cet effet l’union intime de la Russie et de la Prusse, Castlereagh, premier plénipotentiaire anglais, et Metternich s’adressèrent confidentiellement, le premier à Alexandre pour le faire renoncer à ses projets sur la Pologne, le second à Hardenberg pour les lui faire combattre, en offrant à tous deux le sacrifice de la Saxe comme prix de leur complaisance. Ces tentatives maladroites ayant eu pour unique résultat de découvrir les intentions secrètes de leurs auteurs et de resserrer les liens qu’elles avaient pour objet de relâcher, il fallut en finir par où on aurait dû commencer, et remplacer les échanges de vue partiels par des négociations en règle.

Elles devaient être facilitées par le rapprochement que les circonstances imposèrent alors aux adversaires du bloc russo-prussien. Indifférent jusqu’alors au sort de la Saxe, Castlereagh se joignait désormais à l’Autriche, peut-être sur des instructions venues de Londres, pour en soutenir le maintien. De son côté, Talleyrand multipliait ses efforts pour dissiper les dernières préventions inspirées par son pays, renouvelait ses protestations de désintéressement territorial, développait les principes généraux qui servaient de règle à sa conduite, et ralliait les petits États autour de la cause de l’équilibre, qu’il déclarait représenter. Quand il eut suffisamment avancé ce travail de préparation morale et surmonté les dernières répugnances qu’on éprouvait à le mêler aux grandes affaires du Congrès, les puissances se trouvèrent rangées en deux camps bien tranchés, et aussi unies dans l’un que dans l’autre.

À partir de ce moment, les événements devaient se précipiter pour les entraîner à une rupture ouverte. Annoncée par deux notes (10-19 décembre), où l’Autriche et la France affirment à nouveau le droit pour le roi de Saxe de conserver son trône ; rendue probable par une contre-note (20) où la Prusse persiste à réclamer sa dépossession, sauf à l’indemniser sur la rive gauche du Rhin, cette rupture devient un fait accompli quand se réunit pour la première fois (31) une « commission de statistique » chargée d’examiner de plus près le nombre d’habitants des territoires contestés et de tenter un dernier effort de conciliation. Les militaires prussiens y montrent une telle intransigeance, y tiennent un langage tellement agressif