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est obligé d’aller « conférer » avec le prieur de Sorbonne, l’abbé Gaston Chamillard son condisciple, il se fait prier pour lui soumettre les textes justificatifs de sa thèse. Ensuite, c’est de les signer qu’il refuse, et il ne les signe qu’en protestant officiellement par-devant deux notaires amenés par lui dans le cabinet du « tyran. »

Arrive le jour de la cérémonie publique. Les Sorboniques étaient très courues. « Une licence de théologie de Paris, —. écrit le Père Quesnel, — est, dans le genre des exercices de la littérature, un des plus beaux spectacles du monde, par le concours des savants, de tout ordre qu’elle rassemble, ainsi que par l’intérêt des débats qu’elle soulève. » Aux étrangers de marque, « on offrait le spectacle d’une Sorbonique, comme à la cour une représentation de gala. » Ces jours-là, dans les collèges, les professeurs congédiaient leurs élèves pour « ne point manquer » la fête.

À plus forte raison, lorsque, comme le mercredi 9 novembre 1650, la fête promettait une bataille. Nombreux et sans doute bruyant fut le cortège qui, ce matin-là, sorti du Collège de Navarre, longea l’église Saint-Étienne et l’abbaye Sainte-Geneviève, descendit entre les collèges de Montaigu et de Lisieux, par la rue Saint-Étienne-des-Grès, puis par les rues Saint-Jacques, des Cordiers et de Sorbonne, jusqu’à la grande salle des Actes[1]. Le récipiendaire était escorté du Grand-maître même de Navarre, Nicolas Cornet, et du docteur Jacques Pereyret, conduisant une troupe de bacheliers : tels marchaient en ce temps, contre le Mazarin, Monsieur le Prince ou le Coadjuteur. On commence. Et dès que Bossuet a ouvert la bouche, il viole le protocole. Au président, l’abbé Chamillard, qui l’écoute en arrêt, il ne dit pas : Dignissime Prior : il dit, une fois, Doctissime Prior, et ensuite, tout simplement, tout cavalièrement : Domine Prior, — Monsieur le Prieur. — Donc il refuse à la Sorbonne l’hommage de vassalité qu’elle réclame.

  1. Il y avait encore, ce semble, au long de la Montagne Sainte-Geneviève, deux itinéraires possibles : rue des Amandiers (devant le collège des Grassins), rue des Sept-Voies, rue de Reims devant le collège du même nom), rue Saint-Symphorien devant Sainte-Barbe) pour rejoindre la rue Saint-Étienne-des-Grès ; — ou, s’il était possible, ce que j’ignore, d’entrer dans la Sorbonne par les derrières, les rues Fromentel, du cimetière Saint-Benoît (le long du collège de Plessis), la rue Saint Jacques et la rue des Poirées. Voyez le pittoresque plan de Gomboust, où l’on prend une si juste idée de ce dédale de la docte montagne.