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Sous les bonnets carrés et les amples simarres, ils vibraient et criaient, maîtres et élèves, tout comme des citoyens modernes, ces « hommes d’autrefois. »


III. — UNE JOURNÉE DE FRONDE SORRONIQUE : LE DOCTORAT ILLÉGAL DE BOSSUET.

Qui sait si Bossuet ne vibrait pas alors plus qu’aucun autre, puisque celui que Sainte-Beuve et Renan eussent peut-être appelé, — comme on appela je ne sais quoi scolastique, — « le docteur solennel, » fut amené, dans un de ses actes théologiques, à faire figure d’insurgé…

Le Collège de Sorbonne, fier de son antiquité et de ses privilèges médiévaux, fortifié et enrichi par Richelieu, écrasait les autres maisons de science d’une prééminence altière et taquine. Le Collège de Navarre, puissant aussi, en frémissait. Or, en 1650, Bossuet allait soutenir cette seconde thèse de la licence théologique dont, précisément, la Sorbonne exigeait que la soutenance eut lieu chez elle et suivant un protocole où s’étalaient, avec une minutie impatientante, ses prétentions à la primauté[1]. Le prieur de Sorbonne ouvrait, en grande pompe, en présence d’invités officiels, la série des examens. De chaque soutenance, il trônait comme président. Il exigeait que préalablement « les bacheliers lui présentassent leur thèse signée, avec les « preuves » à l’appui. Il occupait un siège d’honneur, il argumentait la tête couverte, il haranguait majestueusement le soutenant. Et celui-ci, en s’adressant à lui, devait l’appeler avec respect, tout comme le bedeau : Dignissime domine Prior, encore que le prieur pût n’être qu’un bachelier comme lui, pas plus âgé, pas plus qualifié. Ainsi l’avaient réglé la Faculté et le Parlement par plusieurs arrêts dont s’indignait Navarre.

Qui, mieux que Bossuet, sujet d’élite, était propre à réclamer une fois de plus, et avec éclat, contre ces servitudes humiliantes ? Ses maîtres lui en confièrent, il en accepta la délicate mission[2]. Et donc, d’abord, quand, avant la soutenance, il

  1. Gréard, Nos adieux à la Vieille Sorbonne, p. 122-130.
  2. L’abbé Levesque, Revue Bossuet (oct. 1900). — L’abbé P. Féret, La Faculté de théologie de Paris. Époque moderne, t. III (1904), p. 25-28. — Gréard, ouvrage cité, p. 121 et suiv.