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l’attachement aux privilèges et aux immunités anciennes, et, au besoin, les velléités, plus grognonnes que malicieuses, de fronde locale qui pourraient se faire jour dans ce « monde de petits souverains » des Trois Évêchés. C’est précisément ce que Bretagne, « blanchi dessous les fleurs de lis et vieilli dans l’écarlate, » avait déjà fait, avec succès, dans celle Bourgogne, — remuante, elle aussi, tout autant que loyale.

Le reste de la famille n’avait pas manifesté moins de zèle discipliné, pas moins de dévouement au service du Roi. Plusieurs de ses membres furent donc admis à suivre Antoine Bretagne à Toul, où le Parlement fut vite transféré, entre autres, le père de Bossuet, Bénigne, lequel ne pouvait être décemment et légalement autre chose que substitut à Dijon, où les Bossuet, les Mochet, les Bretagne surabondaient.

Installé là, — vraisemblablement pour la vie, vu son âge, — Bénigne Bossuet, avec cette adresse que j’ai déjà rappelée, travailla à y rassembler et fixer ses enfants[1]. Dès 1639, à son aîné Claude, il procurait un canonicat à l’église cathédrale de Toul[2]. Et pour Jacques Bénigne, qui, lui aussi, était destiné à l’Église (dès huit ans, on le sait, il avait reçu la tonsure), il guettait un autre canonicat. Ce n’était pas gibier facile. Les bénéfices ecclésiastiques étaient tellement convoités et disputés partout ! Et quoique, en théorie, donnés à l’élection, ils étaient, si souvent, attribués déjà par avance quand la vacance devenait effective et connue ! Tel fut, précisément, le cas, lorsque en 1640, se présenta l’occasion au chapitre de l’Église cathédrale de Metz, « chapitre puissant et copieux, » comme écrivait en ce temps-là Abraham Fabert[3]. Le chanoine Jean Berlon, qui mourait le 12 octobre 1640, avait, — depuis douze ans ! — transmis son canonicat au sieur Saintignon, par voie de coadjutorerie. Il avait pris, sous prétexte de santé, un remplaçant avec succession future. C’était une procédure dont certains chapitres, celui de Metz en particulier, réclamaient le privilège.

Mais les privilèges, sous l’ancien régime, en se mêlant, s’opposaient. Les Chapitres revendiquaient aussi, presque tous,

  1. Voir pour tous les faits qui suivent, l’exposé (un peu tendancieux) de Floquet, Etudes, t. I ; Emmanuel Michel, Histoire du Parlement de Metz, 1845 ; Biographie du Parlement de Metz, 1853.
  2. Une des sœurs de Bossuet, Marguerite, entra en 1658, à quatorze ans, chez les Dominicaines de Toul, sous le nom de sœur Saint Alexis (Floquet, I, 543-544).
  3. Abraham Fabert (père du maréchal), dans le Voyage du Roy à Metz, 1610.