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ecclésiastiques de tous les temps, et les rancunes tenaces de ces milieux provinciaux qui s’acharnaient alors à disputer à l’unité monarchique des bribes de libertés, bonnes ou mauvaises. Dix ans, soyons-en sûrs, n’éteignirent pas la querelle ; en 1651, le parti de Jean Berton et de Saintignon durait et rechignait encore. Et alors, vous le voyez bien, c’est à l’adresse de ce parti, c’est contre lui qu’elle fut écrite, en 1651, cette lettre de Bossuet au duc de Verneuil, successeur diminué, mais révéré par habitude, des anciens princes-évêques de Metz, qui s’étaient donnés en 1555 à la France ; et, de plus, « oncle bien-aimé » du roi Louis XIV ; et enfin, quoique évêque indigne, l’ « évêque » tout de même, le représentant dans le domaine ecclésiastique de l’autorité du Roi Très Chrétien, de l’autorité épiscopale, de l’autorité de l’Eglise nationale.

D’autant plus que cette thèse, que Bossuet dédiait avec tant d’emphase au duc de Verneuil, cette thèse, notez-le, n’était pas insignifiante ni en son contenu ni en son esprit. Ne le rappelons ici que pour mémoire, mais il conviendra fort que nous ne l’oubliions point par la suite : elle révélait une tendance anti-ultramontaine non dissimulée[1].

Un savant jésuite, étudiant cette thèse, en 1869, dans un très intéressant article, y a signalé, non sans raison, « soit dans les idées qu’elle exprime, soit dans celles qu’elle passe sous silence, » des opinions gallicanes déjà formées. Comment, se demande en effet le jeune bachelier Bossuet, par quelles voies et moyens Jésus-Christ a-t-il fondé et fortifié la cité de Dieu sur la terre, l’Eglise ? Pour qu’elle ne périsse jamais, il y a infusé la force du Saint-Esprit ; mais quels sont les « vases » du Saint-Esprit ? Pour que les peuples ne fussent jamais flottants ni incertains de savoir où est l’Eglise et ce qu’est sa doctrine, quels organes a institués d’abord sa prévoyance ? Le Saint-Siège ? la primauté de Pierre ? Non. Il a institué les Évêques, pour qu’ils présidassent aux Eglises et qu’en chacune d’elles, ils tinssent le flambeau et le gouvernail. Telle fut, au début, la fonction des Apôtres, desquels dériva ensuite toute la lignée des Evêques, Episcoporum series universa. » Ainsi donc,

  1. Soutenue par lui le 9 juillet 1651, sous la présidence (cela n’est pas indifférent à noter), de Pierre Bedacier, évêque d’Augustopolis, qui, sous Henri de Verneuil, administrait réellement le diocèse de Metz. — Sur la doctrine de cette thèse, voir l’article du P. Gazeau, dans les Études (1869), p. 916-919.