Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/933

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

beaucoup moins entravé que chez nous par mille rouages bureaucratiques encrassés, j’estime pour ma part que, en l’absence de tous progrès (qui ont toujours plus ou moins pour effet de suppléer à la valeur des hommes), nous aurions été au contraire et au moins pendant les trois premières années de guerre, infiniment plus aptes à battre l’ennemi. Si les combattants n’avaient été armés que des épées, des lances et des flèches antiques, il n’est guère possible de douter que les Allemands, bientôt très inférieurs en nombre à leurs ennemis, auraient été battus dès 1915 ou 1916. Il est pourtant un progrès que j’estime avoir été sans doute plus utile aux Alliés qu’aux Allemands et c’est précisément la T.S.F. Si en effet on peut penser qu’au front ses services (que je décrirai tout à l’heure) se sont à peu près balancés d’un côté et de l’autre de la barricade, il n’en est plus de même si on considère les relations du front avec les gouvernements, et des gouvernements entre eux, ce que j’appellerai le front diplomatique. Tout compte fait, la liberté de télégraphier partout assurée aux Allemands comme à nous-mêmes par la T.S.F. nous a été plus profitable qu’à eux, d’une part, parce que les Alliés étaient séparés les uns des autres par la mer ou les territoires ennemis, tandis que ceux-ci étaient contigus ; d’autre part, parce que les communications par T.S.F. avec les pays d’outre-mer ont eu pour nous, mais non pour l’ennemi, la sanction d’un afflux assuré et réglé, en dépit des sous-marins, de marchandises et de soldats. Au contraire, sans la T.S.F. ces communications n’eussent pas été assurées télégraphiquement, étant donné que les sous-marins ennemis eussent naturellement coupé les câbles transocéaniques.

D’ailleurs pour leurs relations avec les États-Unis, tant que ceux-ci restèrent neutres, la T.S.F. fut, pour les Allemands d’une nécessité vitale. A cet égard, la Review of the Foreign Press de l’armée anglaise vient de donner quelques renseignements intéressants sur la grande station hertzienne de Nauen ; elle nous apprend en particulier que cette station a expédié en 1915 et 1916 près de 4 millions de mots à travers le monde. Quel statisticien recherchera, quel était dans ce total les pourcentages des vérités et des… contre-vérités ?

Eh bien ! tous ces perfectionnements, ces portées immenses obtenues et qui permettaient par exemple aux États-Unis de télégraphier dès le premier jour à 10 000 kilomètres (le quart du tour de la terre à l’équateur) au moyen de la station installée par eux il y a deux ans à Hawaï, cette sensibilité énorme des appareils qui permettait au front des portées étonnantes avec des appareils de puissance insignifiante,