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Pourtant, si éloquente et, plus que cela, si péremptoire qu’elle soit, la lettre d’envoi n’est qu’une lettre. Elle démontre, elle établit, elle pose un principe, mais, le principe posé, il reste à l’appliquer, à le faire passer d’abord dans un texte, ensuite dans la vie. Ce ne peut être que par un abus des mots qu’on a imprimé çà et là qu’à cette lettre était annexé un mémorandum, qui ne serait autre que la Réponse des Puissances alliées et associées aux Remarques de la Délégation allemande ; c’est, à coup sûr, et tout à l’opposé, la lettre d’envoi qui est jointe à la Réponse. Plus sûrement encore, par-dessus cette réponse, qu’on nous livre, ce sont les modifications consenties au texte primitif des conditions de paix, qu’on ne nous a pas officiellement livré, qui doivent faire loi. On nous a réunis deux enveloppes, l’une, ouverte, dont nous avons sincèrement admiré la belle écriture ; l’autre, fermée, dont on nous invite à respecter les cachets. Soit, ne les rompons pas, bien qu’ils soient un peu écornés ; mais lâchons de deviner, par transparence, ce que ce pli mystérieux contient. La deuxième édition du traité, revue, amendée, au sens législatif, qui n’implique pas forcément amélioration, — édition dont l’usage n’est pas interdit, — nous y aidera.

En ce qui touche les questions territoriales, les Puissances alliées et associées donnent le pas, dans la lettre d’envoi, à la Pologne, probablement parce qu’elles entendent rattacher étroitement la solution de ces questions à cet autre principe, qu’elles se proposent de prendre pour base du règlement européen : « libérer les peuples opprimés et retracer les frontières nationales, autant que possible conformément à la volonté des peuples intéressés, tout en donnant à chaque périple toutes facilités pour vivre, nationalement et économiquement, une vie indépendante. » Par application de ce principe ou de ces principes, « des dispositions ont été prises pour reconstituer la Pologne en État indépendant, avec un libre et sûr accès à la mer. » Tous les « territoires habités par des populations indubitablement polonaises » ont été reconnus à la Pologne. Tous les territoires habités par une majorité d’Allemands, hormis quelques villes isolées et des colonies établies sur des terres récemment expropriées par la force et situées au milieu de terres indubitablement polonaises, ont été laissés à l’Allemagne. Partout où la volonté du peuple est en doute, un plébiscite a été prévu. La ville de Dantzig recevra la constitution d’une ville libre ; ses habitants seront autonomes ; ils ne passeront pas sous la domination de la Pologne et ne feront pas partie de l’État polonais. La Pologne obtiendra certains droits économiques