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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/435

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soient notre action et celle des Boches, chaque jour des hommes tombent. Soit au cantonnement de réserve à Nieuport, soit au cours des relèves, soit dans les tranchées, les obus, les bombes, les balles font des victimes. « Il y a quinze jours, à la revue du commandant, note à la date du 7 mars le fusilier Maurice Oury, ma section comptait 62 hommes. Aujourd’hui, nous ne sommes plus que 38. » L’ennemi, par moment, semble pris d’une rage subite et se met, sans cause apparente, à déchaîner toute son artilleria diabolique. Ainsi le 16 février : « La pluie, les balles, les marmites, tout tombe à la fois » (Oury) ; le 16 avril : 94 obus boches contre 12 des nôtres tombent dans le seul temps que Luc Platt met à écrire une lettre ; le 20 avril, où, tant sur Nieuport que sur nos tranchées, l’ennemi fait pleuvoir 2 400 obus ; le 25, où il établit a Nieuport, aux Cinq-Ponts, un terrible barrage de feu qui nous fait croire à une attaque imminente. Et rien ne bouge. Passe encore quand c’est nous ou nos alliés qui l’avons provoqué : la bête sort ses griffes et il n’y a rien à dire qu’à « encaisser. » Le 26 février, par exemple, à la Briqueterie, qu’ils occupaient encore, les Belges cherchaient à reprendre une tranchée perdue ; nous les soutenions de notre feu. L’ennemi se fâche, riposte, et de quel ton ! « Nous avions tous mal à la tête, écrit Maurice Oury, c’était un véritable branle-bas. » De même le 18 avril, où l’on se perd en conjectures sur la raison de la « sarabande de projectiles » à laquelle se livre l’ennemi. Un transfuge nous la donna la nuit suivante : c’était un tir de représaille et l’ennemi voulait venger les 60 hommes, dont un commandant, que notre tir de la veille, de une heure à deux, lui avait mis hors de combat.

Nous-mêmes, on l’a vu, nous n’étions pas sans souffrir cruellement du tir ennemi, et ce n’était pas seulement les hommes et les gradés qui étaient éprouvés. Jusqu’au 14 mars pourtant, les pertes en officiers avaient été faibles : un seul blessé grièvement le 26 janvier, l’enseigne mitrailleur Bellay. Mais, brusquement, une « série rouge » s’ouvrait : l’enseigne de Villeneuve, le lieutenant de vaisseau Langlois, l’enseigne Albert, l’enseigne Buret, l’enseigne Bernard, le lieutenant Huon de Kermadec, blessés à la file les 14, 26, 30 mars, le 5 avril, les 5 et 6 mai. Entre temps, le 17 avril, comme il prenait sa garde à l’avancée de Saint-Georges, l’enseigne mitrailleur Tarrade recevait « un fusant de 77 qui lui arrachait le bras droit et