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frappait mortellement un quartier-maître à ses côtés. On presse Tarrade de se laisser emporter au poste de secours sur l’unique brancard disponible.

— Mettez mon quartier-maître dessus, répond-il. Il est plus grièvement touché que moi.

Et lui-même gagne à pied le poste de secours, distant de trois kilomètres, où l’on n’a que le temps de l’opérer, parce qu’il a voulu s’arrêter en route auprès du capitaine le plus proche « pour rendre compte[1] ; » — premier devoir et souci constant de ces grands disciplinés.

Le ler avril, à l’Yser Sud, était tombé un autre officier mitrailleur, le lieutenant de vaisseau Perroquin, tué d’une balle à la tête tandis qu’il réglait un tir d’artillerie ; le 3, tombait le lieutenant de vaisseau Dupouey, « un saint dans le genre de Cornulier » (docteur Taburet) et dont la perte fut particulièrement ressentie de la brigade, tué lui aussi d’une balle à la tête, au poste 9, dans la nuit, tandis qu’il parcourait ses tranchées pour s’assurer de leur bon fonctionnement ; le 4 mai enfin, toujours d’une balle à la tête, dans ce même Yser Sud où était déjà tombé Perroquin et que les Allemands, sans rime ni raison, s’étaient mis à cribler brusquement de shrapnells, l’enseigne mitrailleur Illiou tombait à son tour, mortellement frappé, tandis qu’il sortait de son gourbi en roulant une cigarette, « pour voir ce qui leur prenait. »

« Ces pertes stériles sont déplorables, » observait avec raison le commandant Mauros. Et la fatigue, la maladie s’ajoutant aux balles et aux obus, la brigade voyait peu à peu disparaître les derniers survivants de Melle et de Dixmude. Le commandant Pugliesi-Conti, qui avait pris la direction des services, les quittait le 5 mars, remplacé par le commandant Mauros, promu lui-même capitaine de vaisseau et remplacé à la tête de son bataillon par le capitaine de frégate d’Ablège de Maupeou ; le commandant de Kerros s’en allait le 5 mai, remplacé par le capitaine de frégate Lefebvre ; le commandant Fauque de Jonquières s’en allait vers le même temps, remplacé par le capitaine de frégate Biffaut ; les lieutenants de vaisseau Lemarchand, Daniel, Pitous, Bonnelli, Ravel, Dordet, l’enseigne de vaisseau Poisson, d’autres, devaient être évacués. À la date du

  1. Claude Prieur : De Dixmude à Nieuport. (Nous rappelons que Claude Prieur est le pseudonyme de l’enseigne Poisson.)