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amour-propre (affaire du Boterdyck et autres). Et pourtant nous commencions à nous sentir forts et tout le monde avait pris confiance : le Boche n’avait qu’à se présenter pour s’apercevoir que la brigade était « un peu là. » Nous savions que, dans l’offensive du printemps, les lauriers seraient pour d’autres et notre seul espoir était que l’ennemi viendrait à nous qui n’irions pas à lui. Lors de la première attaque des gaz, le 22 avril, nous faillîmes bien être de la fête. On fit ses paquets et puis… ce furent les zouaves, nos voisins, qui partirent et qui eurent la gloire de reprendre Zuydschoote et Lizerne. Cependant notre attente ne fut pas trompée et le 9 mai se leva qui nous paya amplement de toutes nos déceptions. »

C’est ainsi en effet que les choses se passèrent pour une partie de la brigade (celle qui occupait le sous-secteur Nord). Il n’était point sans doute dans les intentions du Grand Quartier général d’employer les fusiliers marins a l’offensive qu’il projetait pour le printemps de 1915 et qui, montée et conduite avec une rigueur de méthode inconnue jusque-là par un chef dont le nom n’était pas encore sorti de l’ombre, nous valut les importants résultats tactiques qu’on connaît. Mais, tout en portant son principal effort sur la charnière d’Arras, le Grand Quartier général, tant pour tromper l’ennemi sur nos intentions que pour l’empêcher de faire des prélèvements sur les autres parties de la ligne, avait alerté les secteurs voisins qui devaient manifester au cours de l’offensive « une certaine activité. »

C’était en vue de cette action locale, pressentie des hommes, que l’amiral faisait pousser, dans la boucle de Saint-Georges, la mise en état du secteur : il cherchait à s’y ménager une plate-forme vers le pont de l’Union, ce qui lui eût permis d’achever le nettoyage de la boucle, déjà fort avancé. L’offensive des gaz, déclenchée de Steenstraete à la Lys, où le XXVIe corps allemand se servit pour la première fois, d’une façon officielle, de nappes de chlore asphyxiant qui paralysaient toute résistance, faillit compromettre ce programme. L’ennemi, par bonheur, « manqua de cran. » Comme il l’avait déjà fait à Saint-Gond et comme il devait le faire à Verdun, à Marcoing, à Montdidier, à Bailleul, sur la Piave, il s’immobilisa brusquement en plein succès, ou prit le pas au lieu d’allonger. Ses troupes, ainsi qu’on l’a supposé, bien que pourvues de masques,