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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/469

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marquent la place du dernier repos de nos soldats prisonniers.

Ceux qui ont eu la joie de voir revenir au logis leurs chers blessés sauront les noms de Mme de Thury, de Distroff, Cliarpentier-Moitrier, Maret, Billotte, Thiria, de Mlles Guermont, Thiriet, de Saulcy, Lamort, Breitnacker, Dilschneider, Mocrner, Henriette et Marthe Maniguet, parce que toutes ces personnes aussi modestes que vaillantes, ayant été longtemps à la peine, méritent bien d’être à l’honneur. De cet honneur, amplement mérité, ces lauréates semblent toutes confuses. Rien de plus touchant que de les voir hésiter, céder enfin à l’insistance affectueuse d’une assemblée heureuse de les applaudir au moment où sur l’estrade pavoisée des couleurs de la patrie, les autorités françaises rendent l’hommage dû à celles qui, sous l’œil de l’ennemi, au péril de leur liberté ou de leur vie, ont veillé sur nos prisonniers, sur nos blessés. Parmi ces femmes de France, qui, dans la cité captive, ont apporté à ces pauvres gens, meurtris jusqu’au fond de l’âme, non seulement le remède qui guérit le corps, mais aussi le réconfort moral qui permet de mieux supporter les longues heures de souffrance et de solitude, toutes les conditions, tous les âges sont représentés, depuis la cornette de la sœur de charité et la coiffure délicieusement surannée des aïeules, des bonnes dames de Metz que révérait Colette Baudoche, jusqu’au joli bonnet lorrain qui se pose avec tant de grâce sur les cheveux des jeunes filles du pays mosellan. L’une de celles-ci, presque une enfant, s’est signalée par un trait que le rapporteur des prix de vertu a souligné avec une émotion partagée par toute l’assistance. Elle avait réussi, déjouant la surveillance de la police allemande, à garder chez elle un drapeau français. De la fenêtre de sa chambre elle voyait la cour d’un hôpital où languissaient des soldats français, blessés et prisonniers. Ce drapeau, tous les jours, à la même heure, elle venait le montrer, de sa fenêtre, à ces hommes accablés par l’éloignement, par l’exil, par l’affreuse monotonie de leur isolement au milieu des ennemis. Et c’était pour nos blessés, aux jours les plus sombres de la guerre, alors que les mauvaises nouvelles s’aggravaient de toutes les légendes inventées par les Allemands, un signe d’encouragement fidèle, un motif d’espérance invincible, le geste muet de la patrie, qui leur promettait le salut prochain et la victoire certaine.

Une autre petite Lorraine, internée avec sa famille, pendant deux années consécutives, à la citadelle d’Ehrenbreitstein, sauva de la cour martiale et du camp de représailles, en imaginant un stratagème aussi ingénu qu’ingénieux, ses compagnons de captivité, soldats