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de l’Empire, dans la séance de la Chambre des Seigneurs de Prusse où l’affaire fut débattue. Heydebrandt, York von Wartembourg ont posé la question : Prusse contre Allemagne. Ils ont dit : « l’armée prussienne est maîtresse en Prusse et la PRUSSE COMMANDE AU RESTE DE L’Allemagne QUI DOIT OBÉIR. » On peut croire que le chancelier de l’Empire, Bethmann-Hollweg, en raison de sa situation arbitrale, va tenter de pallier l’effet de ces insultantes provocations. Pas du tout : l’unité bismarckienne est en péril ; il se lève et la défend ; pour une fois, ce servile parle en maître : « Le dualisme qui existe entre la Prusse et l’Allemagne (ce sont ses propres paroles) ne peut pas être nié ; il est impossible de le supprimer... Le développement de l’Empire, avec ses masses populaires, a besoin, pour tous les cas, de l’appui sûr de l’Etat prussien, constitué sur un solide fondement militaire et sur l’alliance indissoluble du peuple et de la dynastie. Cette mission historique de la Prusse dure encore aujourd’hui et durera bien des années. » Finalement, un hobereau pur sang, un homme qui parle net et qui sait que ce particularisme ne demande qu’à être fouaillé, le général prussien Rogge, expose brutalement l’état de conquête où le Nord se complaît à l’égard du Sud, et il dit : « De l’Allemagne du Sud souffle un vent anti-prussien. Mais, plus faiblement sont gouvernés les autres États allemands et plus est nécessaire la mission prussienne. La Prusse ne doit pas se fondre dans l’Allemagne, comme on le disait jadis. Au contraire, il faudra encore BEAUCOUP DE FER PRUSSIEN DANS LE SANG ALLEMAND. »

Tel était, sous les apparences d’une unité acceptée, le véritable régime constitutionnel de l’Allemagne jusqu’à la veille de la guerre de 1914.

J’examinerai, tout à l’heure, les conditions du régime actuel ; mais, puisqu’il s’agit de « constitution, » il convient de rappeler le mot prononcé, sur l’unité allemande, par l’homme assurément le plus qualifié pour en parler ; ce mot est d’hier, 20 juin 1919. Le professeur Preuss, chargé de préparer le projet de constitution du nouvel Etat allemand, explique, dans la Deutsche allgemeine Zeitung, les difficultés qu’il rencontre pour mettre ce projet sur pied. — Il reconnaît « qu’une constitution unitaire eût été la meilleure réponse aux menées séparatistes françaises., » Mais, il ajoute ; « Certes, l’efficacité d’un