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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/540

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ayant un intérêt commun à agir, va combiner en commun son action : on ne peut l’en empêcher et, malgré les précautions prises par le traité (Partie X. Clauses économiques, et notamment par le chapitre III, art. 274 et suiv.), il est probable que l’Allemagne saura tirer parti de l’ensemble des avantages qu’il ne pouvait être question de lui enlever, du moment où l’on s’attardait au principe de son unité.

Une Puissance qui voit disparaître les charges militaires et navales supportées gaillardement pendant quarante ans, une Puissance qui a su soutenir, pendant près de cinq ans, le poids d’une guerre formidable et les conséquences d’un blocus alimentaire et commercial sans précédent, est prête, sans aucun doute, à tirer un parti également inouï de la détente soudaine qui suivra le grand bienfait de la paix.

A moins que le désordre fondamental, déchaîné par elle, si dangereusement, en Russie, ne la gagne (et cela devient de moins en moins probable), l’Allemagne va se remettre aux travaux de la paix avec l’entrain à la fois brutal et docile qu’elle apportait aux travaux de la guerre. L’Allemagne sait les affaires. Demain, nous la trouverons en ligne, sur les marchés du monde, avec son expérience aiguisée de toute son ambition déçue. Et 60 millions de producteurs, décidés à réparer, dans la lutte économique, ce qui a été perdu dans les luttes militaires, ne sont pas une force négligeable.


Cette force n’était pas ignorée de ceux qui ont rédigé l’acte de la paix. Ils l’ont mesurée et, si l’on peut dire, jaugée à fond. Les questions économiques ont été étudiées (personne ne l’ignore) avec le plus grand soin ; un cortège de techniciens accompagnait les négociateurs.

Sûrement, les deux grands impérialismes économiques, l’Anglais et l’Américain, savaient ce qu’ils faisaient et ils ont abordé, en parfaite connaissance de cause, leur grand rival d’hier. S’ils l’ont laissé debout, c’est qu’ils n’ignoraient pas qu’entre gens d’affaires on finit toujours par s’entendre, et ils ont pensé que mieux vaut, tout compte fait, une Allemagne relevée avec laquelle on peut parler, qu’une Allemagne en déliquescence et s’accroupissant sur sa ruine.


L’impérialisme social allemand. — Les considérations économiques