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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/62

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m’en vais maintenant pouvoir juger moi-même de son état physique et intellectuel et arrêter mes résolutions pour l’avenir.

L’avènement de Mac Mahon a produit d’abord une très vive joie parce qu’on le considérait comme un coup de force, ou plutôt comme le prélude du coup de force impatiemment attendu par l’immense majorité du peuple français. Depuis qu’on s’est aperçu qu’il ne s’agit que d’un coup de majorité parlementaire, on est un peu désillusionné. Cependant, le fait du maréchal tenant le pouvoir à la place du petit bourgeois continue à être considéré comme une sauvegarde. Le plan de ce gouvernement est manifeste : rester parlementaire, mais sophistiquer la presse et surtout les élections afin d’obtenir une Chambre orléaniste. Mais, vous le savez, il y a loin de la coupe aux lèvres. Si rien de nouveau ne se passe, je compte en novembre aller à Saint Tropez et en janvier à Paris pour me faire recevoir à l’Académie.

Nous sommes bien affectueusement à vous.


A la princesse Wiltgenstein.


Pollone, 7 sept. 73.

... Vous me demandez ce que je pense de la fusion ? Dans le pays cela n’a rien changé aux chances du Comte de Chambord : il a contre lui, après comme avant, les trois quarts de la nation, mais dans l’Assemblée ses chances sont accrues. S’il adopte le drapeau tricolore et la Charte, il aura quatre cents voix au moins. S’il reste dans ses idées blanches, il n’aura pas de majorité, du moins c’est probable, car lorsqu’une aussi grosse solution dépend de cinquante personnes, il est aisé de les acheter, de les corrompre, etc. Thiers aussi était sûr de sa majorité : on la lui a fait perdre eu détachant un de ses plus intimes, par la promesse d’une ambassade. Les meneurs de la fusion parviendront peut-être à obtenir quelques voix de majorité par des moyens semblables ; cependant, j’en doute. Mais ce dont je demeure bien convaincu, c’est que, quoi que décide l’Assemblée, l’armée obéira et le pays laissera faire, et qu’il n’y aura aucune résistance : on est trop las. Les difficultés ne commenceront qu’au bout de quelque temps. Il n’y a que le pauvre Empereur qui eût pu entraîner l’armée à dire non et le peuple à se soulever.