ni en bas, n’a le droit de s’opposer à mon entrée à l’Académie. L’Académie elle-même ne le peut pas, à moins de faire un coup d’état contre sa constitution pour m’exclure. Le délai que j’ai subi venait de ma volonté ; celui auquel je suis condamné pour quelques mois encore ne provient plus que de l’obligation d’attendre qu’Augier ait écrit son discours de réponse : ce dont il sera empêché, pour quelques semaines, par les soins à donner à une nouvelle comédie. Ainsi si mon ami (!) veut s’opposer à mon discours sous prétexte que j’ai été mêlé à la guerre, comme cette raison durera tant que je vivrai, il n’a qu’à proposer mon exclusion pour indignité. Alors nous verrons.
Je vous remercie des détails que vous me donnez sur la fusion. Je suis tout ce mouvement sans me passionner et je me réserve de vous dire ce que j’en pense, lorsque nous nous reverrons. Aujourd’hui je ne veux vous parler que de mon retour. Il s’est accompli à merveille : partout j’ai été reçu avec sympathie et empressement, et tous mes anciens amis accourent fidèles autour de moi. Mais ceci ne m’a pas touché, quoique j’en sois très reconnaissant. Ce qui m’a touché, c’est de me retrouver dans cette solitude où tout est l’œuvre de mes mains et où sur chaque arbre il y a plus de souvenirs que d’oiseaux. J’ai retrouvé tout embelli, grandi, et mes plantations, que je couvrais de mon ombre il y a quatre ans, me couvrent maintenant de la leur. A leur manière, elles m’ont souhaité la bienvenue, et d’une façon si séduisante qu’en dehors des moments pris par les visites, je passe ma journée à les examiner, à mesurer leur taille de l’œil, à toucher leurs feuilles, à les admirer. Du travail, il n’en est plus question et si je n’ai pas de peine à évoquer par la pensée les quelques rares amis dont je voudrais être entouré partout, j’ai quelque difficulté à leur écrire. Ajoutez à tout cela que la pluie a cessé, que le vent s’est apaisé et que nous avons les enchantements du ciel d’Orient. Mon père est bien et Daniel grandit autant que mes arbres. Il monte à cheval, nage et travaille. Je lui ai donné un précepteur de dix-neuf ans, qui est un camarade sérieux plus qu’un maître, et ainsi je pourrai prolonger encore sa vie de liberté et d’épanouissement campagnard. Jocelyn s’acclimate, et quoique son ignorance absolue de la langue française et son petit jargon piémontais lui rendent les communications malaisées, il s’en tire néanmoins. Tout le monde est frappé de son