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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/678

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Le travail de la reconstitution industrielle est plus difficile : il a les honneurs d’un Ministère spécial. Peut-être nos grands chefs d’entreprises se seraient-ils chargés, à eux seuls, de rebâtir leurs usines et de remettre leurs mines en exploitation. Ce qu’ils demandent à l’Etat, c’est de remplir son rôle en assurant la bonne marche des services publics, dont le désordre provoque des plaintes journalières. Les postes, télégraphes et téléphones fonctionnent plus mal que pendant la guerre : il arrive qu’une lettre mette quarante-huit heures pour franchir un kilomètre dans Paris, et qu’une autre, expédiée en province, ne parvienne à destination qu’au bout de quatre jours. La régie des tabacs a laissé des balles de la précieuse plante se gâter dans les ports, pendant que les fumeurs réclamaient vainement cigarettes et cigares aux bureaux des débitants. Et c’est le moment que certains parlementaires choisissent pour réclamer l’institution de nouveaux monopoles, qui exigeraient de nouveaux fonctionnaires, de nouveaux crédits et qui ne pourraient réaliser de bénéfices qu’en imposant aux consommateurs des prix très supérieurs aux prix actuels ! C’est dans la diminution et non dans l’extension des attributions de l’Etat qu’il faut chercher le premier remède à la vie chère.

La liberté du commerce extérieur, c’est-à-dire celle des importations et des exportations, est le second remède à préconiser. Le spectre du change qu’agitent les adversaires de cette liberté ne doit pas nous empêcher de la décréter : du moment où les importations se feront non plus par l’Etat, mais par les particuliers, ceux-ci n’auront garde de faire venir des marchandises ressortant à un prix supérieur à celui que leur clientèle est prête à payer. Dans le calcul de ce prix entrera comme élément essentiel celui de la monnaie étrangère nécessaire à l’achat. Plus ce prix s’élèvera et plus se ralentiront les achats au dehors : le change est une soupape de sûreté qui agit automatiquement. D’ailleurs les écarts de prix sont tels entre la France et certains pays que le change élevé n’est pas un obstacle à leur importation chez nous. Le prix des aliments essentiels, des vêtements, est à Londres la moitié de ce qu’il est chez nous. Lors d’une adjudication récente de matériel destiné à l’une de nos compagnies de chemins de fer, les industriels belges ont soumissionné à moitié prix de leurs confrères français.

A vouloir continuer la soi-disant protection de notre