Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 52.djvu/699

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans ce dessein 3 usines dont l’une utilise le procédé de liquéfaction de l’air de Linde, l’autre le procédé de Norton, l’autre celui de notre compatriote Georges Claude dont on retrouve le génie inventif dans presque tous les secteurs des inventions de guerre.

Par ces procédés, le prix du mètre cube d’hélium a pu être tellement abaissé qu’il est maintenant à peine la vingt-millième partie de ce qu’il était avant la guerre et que l’emploi en grand de ce gaz rare, ou plutôt ci-devant rare, est devenu possible.

Il ne faut d’ailleurs pas oublier que nous possédons aussi en France des sources d’hélium assez abondantes et encore inexploitées. En particulier le professeur Moureu a signalé la présence de l’hélium dans un grand nombre de nos sources thermales ; les belles recherches de ce savant ont montré notamment que les gaz de la source thermale de Maizières (Côte-d’Or) contiennent environ 5 pour 100 d’hélium ; ceux de Santenay (Côte-d’Or) 10 pour 100 ; ceux de Bourbon-Lancy (Saône-et-Loire) 2 pour 100.

Quoi qu’il en soit, le gonflement des ballons à l’hélium est devenu possible et facile. Primitivement destiné surtout à éviter aux aéronefs les risques de guerre, il aura sur la navigation aérienne de demain une influence énorme. En effet, d’abord il permet de placer les moteurs à r intérieur même des dirigeables ; c’est ainsi qu’avaient été conçus les modèles destinés à bombarder Berlin. Or cette disposition réduit dans des proportions énormes la résistance de l’air à l’avancement, multiplie d’autant la force portante, la vitesse et le rayon d’action des aéronefs. En outre l’ininflammabilité de l’hélium permettra de le chauffer à l’intérieur même des ballons, grâce précisément aux moteurs, et par conséquent de lui donner en le dilatant une force ascensionnelle bien plus grande encore et de compenser ainsi son poids supérieur à celui de l’hydrogène. Les aéronefs construits ainsi participeront donc à la fois de la Montgolfière et du ballon.

À bref délai sans doute des dirigeables gonflés à l’hélium sillonneront le ciel, doués de bien plus de rapidité et de puissance que lem-s aînés, mais surtout d’une sécurité sans égale qui leur assure un immense avenir.

N’y a-t-il pas quelque chose de bien fait pour émouvoir le philosophe dans l’histoire de ce gaz qu’un astronome perdu dans sa tour d’ivoire découvre au fond de cette petite étoile, le soleil, gaz dont personne pendant longtemps ne soupçonne l’existence dans l’air même que nous respirons, et qui un beau jour se trouve apporter à la guerre, puis à la paix, un outil de merveilleux pouvoir ?