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LE JOUR DU TRIOMPHE


14 juillet.

Ce jour, attendu si longtemps, ce jour que nous n’avons jamais cessé d’apercevoir dans nos rêves d’avenir, même aux plus sombres heures de cette terrible guerre, ce jour de gloire est arrivé.

L’Arc de Triomphe, tout doré par les feux de l’aurore naissante, offre au soleil levant ses grandes lignes monumentales et le magnifique appareil de ses pierres héroïques. Paris matinal envoie de tous côtés, vers cette porte de gloire, les innombrables foules de tous ses quartiers et de tous ses faubourgs. Du fond des plus lointaines provinces, les trains bondés ont fait affluer sur notre capitale une population diverse et compacte où nos divers accents de terroir s’harmonisent dans l’unanimité du patriotisme français. Combien de braves gens, ne trouvant point de place dans les hôtels pleins à craquer, ont pris le parti de passer la nuit à la belle étoile ! Ce fut d’ailleurs la meilleure façon de retenir les premières places pour assister au défilé triomphal. On voit des spectateurs patients qui sont là depuis la veille, et qui, pour un empire, ne quitteraient pas le rang où ils ont installé leurs sièges pliants, leurs couvertures, tout près de la barrière. On les regarde d’un œil d’envie. Des familles entières, groupées autour d’un panier de provisions, prennent, pour se réconforter, après une nuit fraîche, leur petit déjeuner du matin. Les arbres des Champs-Elysées supportent des grappes humaines, accrochées aux branches les plus hautes, qui plient et quelquefois rompent sous le poids. Sur la ferraille des canons allemands, entassés en pyramides, grimpent des gamins prompts à l’escalade. Et sans cesse le flot des nouveaux arrivants multiplie les difficultés qu’éprouve le service d’ordre à endiguer un pareil courant. À certains moments, la chaussée est submergée