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la Délégation allemande le second texte du Traité, édulcoré par rapport à celui du 7 mai, et qui en est devenu, par la signature, le texte définitif. Les dispositions qu’annonçait M. Barnes n’étaient pas, on le voit, nouvelles et ne trouvaient pas leurs motifs dans une attitude sage et loyale de l’Allemagne. On peut dire que c’étaient des prédispositions. Un des griefs qui ont été, non sans raison, élevés contre le Traité, c’est que, la période d’occupation du territoire de la rive gauche du Rhin n’y étant prévue que pour quinze ans au plus, avec cette concession que telle zone pourra être évacuée au bout de cinq ans, telle autre au bout de dix ans cette occupation militaire, qui ira en se réduisant, ne couvre pas toute la durée des obligations contractées par l’Allemagne, durée beaucoup plus longue, peut-être cinquante ans, trente-six au moins.

Les Trois répliquent à l’objection qu’ils avaient devancée, par ce motif, tiré non de la conduite de l’Allemagne, mais de l’intérêt, ou mieux de l’un des intérêts des Puissances alliées et associées, que les dépenses entraînées par l’occupation impliquent une réduction équivalente de la somme disponible pour les réparations ; si donc, avant l’expiration du délai de quinze années, l’Allemagne avait satisfait aux obligations du traité, « les troupes d’occupation devraient être retirées immédiatement. » C’est du moins ce que disait l’article 431 du Traité lui-même, qui ne disait que cela. Mais, entre eux, le président Wilson, M. Lloyd George et M. Clemenceau avaient dit plus : « Si l’Allemagne, à une date plus rapprochée (plus rapprochée que quoi ? que l’expiration du délai de quinze années ou que l’accomplissement des obligations ?), si l’Allemagne a donné des preuves de sa bonne volonté et des garanties satisfaisantes... » — deux choses, donc, des preuves et des garanties : il ne s’agit plus pour l’Allemagne d’avoir exécuté, mais seulement de montrer qu’elle exécutera, — alors « les Puissances alliées et associées seront prêtes à conclure un arrangement entre elles pour mettre fin plus tôt à la période d’occupation. »

Ainsi nous sommes pris, nous Français, entre les mâchoires de l’étau d’une double nécessité ; nous avons, entre deux intérêts capitaux et vitaux, un choix qui peut être tragique. Nous avons besoin que nos ruines soient relevées, mais nous avons besoin aussi que notre territoire soit protégé. Lorsque nous réclamions, pour des raisons dont la force n’a été ni égalée ni détruite, la frontière militaire du Rhin (et nous l’avons réclamée jusqu’au milieu de mars, le Gouvernement en accord absolu de pensée et d’expression avec son expert militaire), nous obéissions à la seconde nécessité, qui, par