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LA LIQUIDATION
DE
L’EMPIRE OTTOMAN

Des confins de l’Iran à la vallée de la Maritza, du golfe Persique et de l’Océan Indien à la Mer Noire et à l’Archipel, du mont Ararat au mont Sinaï, s’étend un immense et magnifique domaine dont les Puissances alliées et associées ont à régler le sort : c’est l’héritage de l’Empire ottoman. Ces vastes contrées ne sont guère peuplées actuellement, après les dernières saignées, que de quelque dix-huit millions d’habitants, mais c’est la rage des hommes qui les a rendues pauvres et stériles, quand la nature les avait faites riches et fécondes ; elles ont connu jadis la prospérité, les populations denses, les moissons épaisses, les troupeaux innombrables. Il suffit de rappeler leurs noms antiques : c’est la Chaldée et la Mésopotamie, les larges bassins ou le Tigre et l’Euphrate roulent leurs ondes jumelles, double Nil dont les eaux aménagées rendraient à d’immenses plaines une fertilité sans pareille ; c’est la Syrie, la Phénicie et la Palestine, nobles terres d’histoire, éternels lieux de passage ; c’est le haut bastion de l’Arménie avec ses neiges et ses eaux bondissantes ; c’est le Pont où régna Mithridate, la Bithynie, la Cilicie que gouverna Cicéron ; c’est la Pamphylie, la Lycie, la Phrygie, et, sur les hauts plateaux, la Galatie où prospéra une colonie de Gaulois. Là, durant des siècles, se fit l’histoire et s’élabora la civilisation ; là naquirent les trois grandes religions monothéistes ; là fut le berceau des philosophies, des sciences et des arts. Les Juifs y