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Puis la note des « Quatre » écarte l’argument du mémorandum ottoman qu’une diminution de la puissance de l’Etat turc serait une injure pour l’Islam et une atteinte à ses droits. La guerre « dans laquelle l’Allemagne protestante, l’Autriche catholique, la Bulgarie orthodoxe et la Turquie musulmane se sont liguées pour piller leurs voisins, » n’a pas été une guerre religieuse. « Si l’on répond que la diminution d’un Etat musulman historique doit porter atteinte à la cause musulmane dans tous les pays, nous nous permettrons de faire remarquer qu’à notre avis c’est une erreur. Pour tous les musulmans qui pensent, l’histoire moderne du gouvernement qui occupe le trône à Constantinople ne saurait être une source de joie ou de fierté... Le Turc s’est essayé à une entreprise pour laquelle il avait peu d’aptitudes et dans laquelle il a, par suite, obtenu peu de succès. Qu’on le mette à l’œuvre dans des circonstances plus favorables, qu’on laisse son énergie se déployer principalement dans un cadre plus conforme à son génie et dans de nouvelles conditions moins compliquées et moins difficiles, après avoir rompu, et peut-être oublié, une tradition mauvaise de corruptions et d’intrigues, pourquoi ne pourrait-il ajouter à l’éclat de son pays et indirectement de sa religion en témoignant de qualités autres que le courage et la discipline, dont il a toujours donné des preuves si manifestes ? »

Ce langage, un peu sibyllin, abuse d’une ironie qui n’est pas dé mise à l’égard d’un vaincu, mais il a du moins le mérite de signifier qu’il ne saurait être question de remettre sout l’autorité, même nominale, de l’Empire turc les populations affranchies par une victoire à laquelle certaines d’entre elles ont participé et que, s’il doit subsister un État turc parce qu’il existe un peuple turc, il ne lui sera plus permis d’administrer sans contrôle des peuples non turcs.


II

L’Empire ottoman est fini comme grande puissance politique. Il a passé, du XVe au XXe siècle, sur l’Europe et sur l’Asie sans leur apporter aucun bienfait, aucun progrès ; il a été une puissance malfaisante et stérile. Cette guerre, où les Jeunes-Turcs se sont follement engagés, a été prolongée et rendue plus coûteuse par leur intervention ; la Russie a été par eux séparée