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Le parti nationaliste, organisé depuis longtemps, protesta contre la proclamation, pendant la guerre, du protectorat anglais sur l’Egypte ; il revendiqua l’indépendance du pays et sa représentation à la conférence de la Paix. Lord Cromer, qui avait organisé en Egypte un régime d’administration directe et de centralisation, avait conservé cependant le caractère international de certaines institutions, telles que les tribunaux mixtes. La guerre parut au gouvernement britannique une occasion favorable pour « angliciser. » De là une première source de mécontentement. Il y en eut d’autres : la guerre et la paix ont été conduites par les alliés au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes qu’ils mirent en avant comme un drapeau, mais sans prendre soin de la définir et de la préciser. Comment les Égyptiens ne se seraient-ils pas crus autorisés à en réclamer le bénéfice pour eux-mêmes, quand ils virent le cabinet de Londres demander et obtenir sans difficulté que le roi du Hedjaz fût représenté à la Conférence par son fils l’émir Feiçal dont les autorités britanniques cherchaient en même temps à établir l’autorité sur Damas, Alep et toute, la Syrie ? Le gouvernement britannique, qui a voulu se servir de la politique arabe comme d’un instrument de règne, ne s’est pas aperçu que sa politique se retournait contre ses propres intérêts et ébranlait son autorité en Egypte.

Les premiers troubles nationalistes amenèrent la déportation à Malte de quatre des principaux chefs du mouvement. Une telle mesure ne fit qu’accroître le mécontentement et, vers le 10 mars, des manifestations très nombreuses furent organisées ; elles furent d’abord calmes, conduites par les éléments instruits de la population, notamment par les étudiants d’El-Azhar, mais bientôt des fauteurs de désordre s’y mêlèrent. Dans les villes les ouvriers cessent le travail, des bandes de pillards parcourent les rues ; les Arméniens et les Grecs sont particulièrement visés. Du 8 au 13 avril, des émeutes sanglantes se déchaînent ; le 13, trente-huit Arméniens sont tués et une centaine blessés ; les troupes, hâtivement renforcées, font feu et les victimes sont nombreuses. Dans les campagnes, des bandes s’organisent ; quelques Anglais isolés sont assassinés ; des tribus de Bédouins prennent part au mouvement. Les fellahs eux-mêmes, sans armes, munis de leurs seuls bâtons, coupent les voies ferrées et les routes. L’agitation dura plus de deux mois ;