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démocrates, à plus forte raison les chrétiens du Liban. L’évolution des Arabes vers le progrès, leur adaptation aux méthodes de gouvernement et aux conceptions sociales et politiques européennes ne peut se faire que dans de petits États autonomes qui correspondent au particularisme historique des différents groupements ethniques qui parlent la langue arabe. Le Hedjaz est une unité qui doit rester indépendante ; c’est le centre religieux de l’Islam sunnite ; le chérif Hussein, qui vient de s’y proclamer khalife, est le gardien des Lieux saints musulmans ; mais son autorité politique ne saurait s’étendre hors de la péninsule où il est d’ailleurs menacé, jusque dans sa capitale, par les tribus ouahhabites insoumises. L’autorité khalifale, qu’il vient de s’attribuer aux lieu et place du Sultan des Ottomans, ne lui confère aucune autorité temporelle, et même les canonistes musulmans les plus réputés soutiennent que chaque souverain ou chef d’État musulman est khalife, c’est-à-dire représentant de Dieu, en sa terre. Si la France et l’Angleterre reconnaissent l’autorité de l’émir Feiçal à Damas, la France n’admettra pas qu’elle s’étende sur le Liban ou sur Alep, pas plus que l’Angleterre ne la reconnaîtra en Mésopotamie ou en Palestine. D’ailleurs, cette question arabe, imprudemment soulevée, trouvera d’elle-même sa solution quand les négociations de Paris auront enfin réglé l’héritage de l’Empire ottoman et qu’il apparaîtra par des actes que l’accord entre la France et l’Angleterre est ce qu’il doit être, c’est-à-dire parfait. En Asie comme ailleurs, les deux puissances ont leurs intérêts étroitement liés : ne sont-elles pas celles qui ont le plus grand nombre de sujets musulmans et n’ont-elles pas un égal avantage à faire régner l’ordre et la paix dans le monde de l’Islam, en même temps qu’à en préparer, par les mêmes méthodes, l’évolution et le progrès ? Il n’est pas besoin de conventions pour que cette solidarité d’intérêts apparaisse des deux côtés de la Manche. L’Angleterre doit savoir que, dans le Levant, la France veut être présente et tenir une place digne d’elle, de son histoire, de son rôle dans la grande guerre et des intérêts de toute nature qu’elle possède en Orient depuis tant de siècles. L’avenir de l’amitié Franco-anglaise est à ce prix.

L’attribution des « mandats » ne devrait donc pas soulever de graves difficultés, La France ne conteste pas à la Grande-Bretagne la Palestine, à la condition qu’un régime spécial