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L’été bourdonne et brûle. Naïs, sous les branches
Voici l’ombre. Sur moi pose tes deux mains blanches,
Laisse flotter dans l’air ton haleine et ta voix,
Et répands sur mes yeux l’eau fraîche de tes doigts.


L’INSTINCT DE LA VIE


Aimez la vie, et que vos mains, chaque journée,
La couronnent de verts et flexibles rameaux.
C’est nous seuls qui faisons nos peines et nos maux :
Nous fanons en un soir les roses d’une année.
Que de soldats tombés près de moi ! Chacun d’eux
Tourna vers le pays lointain de son enfance
Ses yeux las de souffrir et ses bras sans défense.
Tous aimaient à revoir, au long de champs herbeux,
Des maïs blonds, un frais jardin luisant, des branches
Versant une ombre verte aux briques des vieux murs,
Et des femmes, filant, rire de leurs dents blanches
A de beaux enfants nus qui mordent des fruits mûrs.
Ils entraient dans la mort, mais leur âme rebelle
Se tendait vers la vie et, se réclamant d’elle,
S’y rattachait, en un multiple et vert rameau,
Comme une jeune vigne au tronc d’un vieil ormeau.


L’AMOUR RENAIT


I


Enfin, je puis poser mon front nu dans tes bras,
Et me montrer moi-même, et dénouer la chaîne
De ces vains mots qu’on dit pour exprimer sa peine :
Toi seule me comprends si je ne parle pas.
Vois en mes yeux mon âme à fleur d’eau qui rayonne,
Vois ma bouche, mes mains, mon corps qui, par le fer,
Et le froid, et la boue, a tellement souffert
Qu’il s’étonne de vivre et pourtant ne demande,
En paiement de ces jours de douleur et d’orgueil,
Que des baisers en pluie à ta lèvre gourmande
Et l’ombre de ta robe aux marches de mon seuil.