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II


As-tu gardé ta fraîche et brusque gourmandise ?
Entrons. La lune pleure au feuillage des buis,
La maison nous accueille, et, sur la table mise,
Vois le pain blanc, l’eau pure, et la coupe des fruits.
Prends en tes doigts menus cette pomme encor verte,
Mords à même et me montre au luisant de sa peau,
Comme un baiser, comme un sachet, comme un étau,
Le fougueux appétit de ta bouche entr’ouverte.

III


— Le soleil t’a meurtri le front, ta gorge est sèche.
Bien-Aimé, que veux-tu ? Les figues ou l’eau fraîche
Qu’à la source j’irai moi-même te puiser ?
— Laisse l’eau dans son cours et le fruit sur la branche,
C’est de toi que j’ai soif... Ouvre tes bras et penche
Ta tête, vase pur où je bois ton baiser.


LA NATURE RETROUVÉE
I
L’APPEL AU SOIR

Les langueurs du couchant augmentent la tendresse De la fermière, seule au soir, dont la main presse Craintivement le sein où, lassé de soleil, Son jeune époux connut l’amour et le sommeil. Le val bleuit ; les troupeaux passent ; la fermière Interroge d’abord la route familière. Puis cherche, en vain, des yeux, sur l’immense labour, Le robuste profil de son homme au retour. Alors, ouvrant les mains à l’entour de sa bouche, Elle pousse un long cri de détresse farouche Et jette, aux mille échos des plaines et des bois, Le nom de son époux qu’elle clame en patois. </poem>