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aux mines. Il y envoya même des condamnés de droit commun. A peine arrivés, ces gens sans aveu s’empressaient de fuir, malgré l’étroite surveillance dont ils étaient l’objet : il y eut bientôt dans les montagnes des milliers de déserteurs qui se groupèrent suivant leurs affinités. Or, les premiers venus avaient découvert dans les forêts des gisements aurifères qu’ils se mirent à exploiter pour leur propre compte. Des négociants chinois et russes surent vite que ces proscrits avaient de l’or en abondance. Malgré les dangers auxquels ils s’exposaient en négociant avec les Khoungouses qui se trouvaient hors la loi, ils nouèrent secrètement des relations avec eux, et, en échange de leur or, ils leur apportèrent des vivres, des vêtements, des outils et des armes. Le sort de ces réfugiés devint ainsi moins précaire.

A peine eurent-ils cessé de souffrir de la faim qu’ils songèrent à s’organiser et à former des associations, adaptées aux conditions d’existence que leur imposait le pays où ils vivaient.

Il y avait parmi eux des hommes appartenant aux plus hautes classes de la société chinoise. Depuis longtemps, le gouvernement céleste internait dans la Mandchourie septentrionale, à Tsitsikar, les mandarins disgraciés pour raisons politiques, en particulier ceux qui étaient affiliés à ces sociétés secrètes que la Cour considérait comme dangereuses pour la sécurité de l’État. Un certain nombre de ces déportés s’étaient enfuis de Tsitsikar et étaient venus chercher un refuge au milieu des Khoungouses. Ces derniers, qui se rendaient compte de la supériorité intellectuelle des nouveaux venus, les mirent à leur tête et les chargèrent d’établir les règles des associations sans lesquelles des Chinois qui se respectent ne sauraient vivre.

Dans le Pays du Milieu, il n’existe pas un seul indigène qui ne fasse partie d’une, voire de plusieurs sociétés, chargées de lui venir en aide dans la vie. Le gouvernement n’étant pas assez fort pour protéger ses trop nombreux sujets, il a bien fallu que ceux-ci se prêtassent mutuellement assistance. Lorsque les Chinois se trouvent hors de leur patrie, ils éprouvent encore plus vivement le besoin de s’unir et de s’organiser en groupes. C’est ainsi que dans les pays où les Célestes ont émigré, notamment en Indo-Chine, à Singapore, au