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tellement abondant dans cette région que les actionnaires de cette Société ont réalisé, dès le début, des bénéfices considérables. Les chercheurs d’or qui, pendant de longues années, avaient extrait d’énormes quantités d’or, n’étaient même pas parvenus à appauvrir les terrains aurifères.

L’armée chinoise, en se retirant, laissa dans les principaux centres des troupes entretenues aux frais de la nouvelle Société, et dont la présence ne permettait pas aux Khoungouses de renouveler leurs exploits avec la même sécurité. Nombre de ces derniers abandonnèrent donc cette région devenue inhospitalière pour eux, quittèrent la Mandchourie et allèrent s’établir en d’autres provinces, moins surveillées, où ils purent reprendre leurs déprédations sans être trop inquiétés.

Ceux qui restèrent dans les montagnes du Nord vécurent assez misérablement du pillage des barques qu’ils parvenaient à surprendre sur l’Amour et sur ses affluents. C’est là que les Russes allaient les retrouver : l’incursion, que les Khoungouses opérèrent en 1900 sur la rive gauche de l’Amour, fut le prétexte qui permit aux troupes moscovites, campées en Sibérie, d’entrer en Mandchourie. Le pillage par les brigands de quelques huttes de paysans sur le territoire russe, pillage qui fut pompeusement qualifié d’attaque chinoise, fut plutôt encouragé par les agents du Tsar, qui attendaient impatiemment une occasion favorable pour s’installer sur les points les plus importants de la Mandchourie.

Depuis, les Khoungouses ont été constamment mêlés aux incidents survenus entre la Russie et la Chine d’abord, entre la Russie et le Japon ensuite. Ils ont été successivement à la solde de ces deux puissances.

Les Russes les utilisèrent contre les Célestes pour occuper Blagovechtchensk en 1900. Ils les chargèrent également, deux ans après, de détruire certains ouvrages d’art de la ligne trans-mandchourienne, dont les évidentes malfaçons avaient provoqué l’envoi d’une commission d’enquête et qu’il fallait faire disparaître avant l’arrivée de celle-ci. Mais ils commirent ensuite la faute de faire massacrer les mêmes Khoungouses pour faire croire que ces bandits avaient commis ces méfaits de leur propre initiative. Alors, ces derniers, pour se venger, offrirent leurs services aux Japonais qui leur fournirent en abondance les armes et les munitions nécessaires.