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sur lui et sur les siens les pires malheurs. Sa famille aurait pu aller trouver le gouvernement chinois, lui demander d’envoyer des troupes à la poursuite des Khoungouses. Elle s’en gardait bien, car une pareille démarche eût infailliblement causé la mort du prisonnier. Elle se contentait de réunir le plus rapidement possible la somme qu’exigeaient les brigands, et le parent, chargé de leur remettre la rançon du captif, y joignait, trait bien oriental, un cadeau destiné à la caisse de la fédération. Cette libéralité supplémentaire devait concilier à la famille, ainsi rançonnée, les sympathies des Khoungouses et la mettre pour l’avenir à l’abri de leurs entreprises.

Ces brigands se montraient en plein jour jusque dans les rues de Moukden. La population les connaissait, mais personne n’osait les dénoncer, tellement la terreur qu’ils inspiraient était grande. Il n’est pas bien sûr d’ailleurs que le gouverneur eût osé les faire arrêter, car il avait peur lui-même des Khoungouses. Il leur versait, parait-il, un tribut pour pouvoir circuler sans être inquiété par eux, et les mandarins chinois sous ses ordres payaient également aux brigands une sorte d’abonnement qui les mettait à l’abri de toute mésaventure pendant leurs tournées administratives. Il ne faut pas oublier que nous nous trouvons ici en Extrême-Orient, où rien ne se passe comme en Europe.

Cependant la scandaleuse audace des Khoungouses finit par lasser la patience des autorités Célestes. Un dernier coup d’audace décida le gouvernement de Pékin à faire un grand effort pour débarrasser la Mandchourie des bandes qui la terrorisaient. Des brigands avaient pillé un convoi, qui portait à Moukden le portrait du Fils du Ciel, enrichi de diamants. Cette fois, une véritable armée fut envoyée contre les bandits. Mais le plus grand nombre parvint à s’échapper en se divisant en petits groupes qui se réfugièrent dans les massifs inaccessibles du Tchan-Bo-Chan. En revanche, les fédérations paisibles, comme la petite République de la Chetouga, furent dispersées. Elles durent abandonner les territoires qu’elles occupaient depuis si longtemps ; trop faibles pour tenir tête aux réguliers chinois, elles furent dispersées. Les survivants s’enfuirent dans les montagnes où ils eurent l’unique ressource de se joindre aux brigands.

Pour empêcher leur retour sur les placers, le gouvernement chinois accepta les propositions d’une Société qui offrait une forte redevance pour exploiter les gisements aurifères. L’or est