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Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 53.djvu/191

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décimée par la mort, à demi dépouillée de ses biens. Nous saisissons mieux maintenant certaines réalités terribles de la fin du XVIIIe siècle et nous pouvons nous imaginer l’état d’esprit des La Fayette et des Noailles et leurs difficultés sans nombre avant de reprendre l’équilibre instable qui suit les grands spasmes d’un temps.

Mme de La Fayette revint en France en 1799 avant son mari. Elle n’avait pas été radiée de la liste des émigrés et elle rentra sous le nom de Madame Montgros. Dès lors, elle s’occupa, en femme de tête, de la liquidation des biens de sa mère qu’on put racheter ou sauver du séquestre.

Le rêve de La Fayette était de voir sa femme mise en possession d’une résidence de choix : le château de La Grange-en-Brie. Il lui écrit :

« Ma lettre vous trouvera vraisemblablement à La Grange, mon cher cœur, dans cette retraite où nous sommes destinés, j’espère, à nous reposer ensemble des vicissitudes de notre vie. » Un peu plus tard, il écrit encore : « Vous allez me donner bien des détails sur La Grange ; d’abord la maison, et une réponse à toutes mes idées de logement ; ensuite la ferme. Je voudrais savoir le nombre des animaux vivants, grands et petits qu’on y entretient, combien tout cela coûte, combien on a de domestiques pour les soigner et puis un petit mot sur le parc et les bois. Liancourt m’a prêté quelques ouvrages d’Arthur Young. Je suis plus enfoncé que jamais dans l’agriculture et tous les détails que vous m’enverrez me donneront le plaisir de comparer ce qui se pratique en France avec ce qu’on fait en Angleterre et en Hollande. L’avenir est bien embrouillé. J’en conclus qu’il faudrait nous retrouver le plus tôt possible. Le seul objet de ma compétence, c’est La Grange. J’y trouve des illusions douces ; il me semble que ces pensées rapprochent de moi la possibilité d’une retraite au sein de la liberté française. »

La Fayette est de même très frappé de ce que Franklin lui avait écrit dès le 17 avril 1787 : « L’agriculture est, suivant moi, la plus honorable de toutes les professions, parce qu’elle est la plus indépendante ; » et, avant de rentrer à La Grange, il écrit encore à Mme de La Fayette : « Mon activité, je le sens, se portera sur l’agriculture, que j’étudie avec toute l’ardeur de ma jeunesse pour d’autres occupations. »

Enfin, radié de la liste des émigrés, il revient ! Et, en 1800,