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la mer. Strasbourg jouissait d’une situation exceptionnelle au point de vue de sa batellerie, parce qu’elle était le centre commercial le plus important de la plaine du Rhin supérieur et le carrefour où aboutissaient les grandes voies de communication. La navigation d’alors était très différente de ce qu’elle est aujourd’hui ; en effet, les marchandises transportées étaient de peu d’importance. Le chargement des petites embarcations utilisées au moyen âge était de 100 tonnes à peu près. Le trafic ne se faisait guère qu’à la descente, car le retour en amont, nécessitant des forces humaines, aurait été trop coûteux. Ce n’est qu’à partir de 1826 qu’on organisa un service de vapeurs faisant régulièrement le transport des marchandises et des voyageurs, de Strasbourg au Rhin inférieur. Quelques années plus tard, des départs quotidiens furent dirigés sur Rotterdam, avec un transit régulier sur Londres.

Le Rhin était un fleuve au cours impétueux, partagé en ramifications innombrables qui formaient des îles marécageuses rendant la navigation difficile. A la suite d’un projet élaboré par l’ingénieur Tulla, directeur du Service des eaux du grand-duché de Bade, on construisit des digues, et on établit régulièrement le lit du fleuve. Ces travaux n’eurent pas le succès que l’on avait espéré. Le parcours se trouvait, de ce fait, raccourci d’un quart ; mais la suppression des sinuosités qui gênaient la navigation avait rendu le courant si rapide que les vapeurs ne pouvaient le surmonter. Les frais d’exploitation se trouvèrent beaucoup trop élevés, de sorte que la concurrence des chemins de fer qui s’étaient construits de chaque côté du fleuve finit par l’emporter sur la navigation. En 1855, le trafic fluvial fut définitivement arrêté en amont de Mannheim.

Seuls, les canaux français assurèrent la navigation au port de Strasbourg. Le canal du Rhône au Rhin avait été achevé en 1832, et la capitale alsacienne se trouvait ainsi rattachée à Lyon et Marseille par Mulhouse et Montbéliard. De plus, le canal de la Marne au Rhin, terminé en 1853, facilitait de nouveaux trafics entre Strasbourg et Paris, en traversant les Vosges par le col de Saverne.

Les injustes frontières créées par le traité de Francfort en 1871 entravèrent le commerce alsacien, qui se trouva séparé de ses anciennes ressources. Il fallait que l’Alsace se trouvât reliée au reste de l’Empire allemand par une