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REVUE LITTÉRAIRE

LES AVENTURES DU JEUNE BRIENNE[1]

Le jeune Brienne a vécu soixante et deux ans ; mais on l’a toujours appelé le jeune Brienne. C’était pour le distinguer du vieux Brienne son père : et l’on est toujours le jeune de quelqu’un. C’est aussi que ce pauvre garçon fut célèbre à vingt ans et puis tomba dans le malheur : on ne l’a connu et l’on n’a parlé de lui qu’en sa brillante jeunesse. Quand il geignait de tristesse et d’ennui depuis longtemps, bonhomme très déraisonnable, parmi les fous de Saint-Lazare, il était encore le jeune Brienne ; mais il n’était plus qu’un souvenir.

Il a laissé des quantités de papiers, des vers, de la prose, du français, du latin, du fatras, et des mémoires qui sont précieux et amusants. Les mémoires de Brienne ont été publiés premièrement par ce Barrière à qui l’on doit le recueil attrayant des Tableaux de prose et d’histoire peints far différents maîtres. Et Barrière avait de la curiosité, quelque talent : il n’avait pas d’exactitude et il arrangeait à sa guise les documents qu’il imprimait. Il était, je crois, l’ami de Scribe et il traitait l’histoire un peu comme son ami traitait la vérité contemporaine. Brienne a rédigé deux fois ses mémoires : Barrière a utilisé les deux rédactions et il en a tiré une troisième, où il y a beaucoup de Barrière, qui n’est pas ce qu’on cherche. Il fallait une bonne édition de Brienne : M. Paul Bonnefon vient de la donner en trois volumes de la Société de l’Histoire de France. Il reproduit les différents textes de Brienne, ceux que Barrière avait contaminés et qu’il sépare et qu’il dégage de tous ornements frelatés, et d’autres que Barrière

  1. Mémoires de Louis-Henri de Loménie, comte de Brienne, dit le jeune Brienne, publiés d’après le manuscrit autographe par M. Paul Bonnefon, trois volumes (Société de l’Histoire de France).