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L’UNIVERSITÉ DE STRASBOURG
SA RENAISSANCE ET SON AVENIR

Fustel de Coulanges, qui avait enseigné l’histoire à la Faculté de Strasbourg, disait à ses élèves de l’École normale : « Si jamais Strasbourg nous est rendu, si l’un de vous y occupe mon ancienne chaire, je le prie, le jour où il en prendra possession, d’accorder un souvenir à ma mémoire. » Le 20 janvier 1919, M. Christian Pfister inaugurait, à Strasbourg, son cours sur l’histoire de l’Alsace de 1648 à nos jours, et le vieil Alsacien qui avait passé toute sa vie loin de son Alsace, avait la joie d’accomplir le vœu de Fustel de Coulanges. Il y avait seulement deux mois que nos troupes avaient défilé devant la statue de Kléber et que le drapeau français flottait sur la cathédrale.

Aussitôt la vie universitaire se réveilla dans les superbes édifices que leurs fondateurs ont consacrés aux lettres et à la patrie. Litteris et patriæ, lit-on au frontispice de l’Université. La devise était bonne, nous n’avions qu’à la reprendre ; les bâtiments étaient vastes, nous n’avions qu’à y installer nos maîtres, nos méthodes et notre langue : au premier abord la tâche semblait simple et légère. En réalité, comme toutes celles qui incombaient à nos nouveaux administrateurs, elle était hérissée de difficultés. Les hommes qui furent chargés d’assurer la continuité de notre enseignement, — rares professeurs alsaciens à qui les Allemands avaient à regret entrebâillé la porte de l’Université, professeurs français en « mission temporaire, » jeunes officiers mis à la disposition des Facultés par le Grand-Quartier-Général, — se sont tirés de l’épreuve à leur honneur. Peut-être ni l’opinion française, ni l’opinion alsacienne ne leur ont-elles rendu pleine justice.