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dans les choses de la pratique, quand ils échappent à la discipline imposée par les pédants d’Allemagne, ils montrent des qualités de précision et de lucidité, le contraire de l’esprit germanique. Mais il fallait courir au plus pressé et commencer par apprendre aux étudiants le français usuel. Des officiers furent chargés de cette besogne, et, par petits groupes, les étudiants suivirent des leçons de langue.

A la Faculté des lettres la tâche fut relativement aisée. Dans les Facultés de droit, de médecine et des sciences, on fit des conférences spéciales sur la terminologie française. Dans leurs cours, les professeurs durent s’astreindre à un débit très lent, à une accentuation très nette, à un vocabulaire extrêmement simple.

Grâce au bon vouloir des étudiants et des maîtres, tous les cours ont été faits en français, — merveilleux succès auquel les plus optimistes n’osaient prétendre : l’Université de Strasbourg a pu, dès le premier jour, démontrer qu’elle avait à jamais rompu avec la culture germanique, qu’elle était française, rien que française.

D’autres complications naissaient du régime des examens. Les Alsaciens-Lorrains qui se présentaient aux cours de l’Université, avaient commencé leurs études selon le système allemand. D’où la nécessité de combiner à leur usage un régime transitoire qui, sans blesser leurs intérêts, sans gêner leur carrière, établit une juste équivalence entre les grades allemands et les grades français. On maintint donc l’ » examen, d’état » qui donnait accès aux places de l’enseignement secondaire ; en même temps, on décida que ceux qui ne sauraient pas assez de français, devraient aller faire un stage dans une Université française avant d’être pourvus d’un poste. A la Faculté de médecine double difficulté : les études médicales, en France et en Allemagne, sont dirigées d’après des méthodes très différentes ; d’autre part, chez nous, quand la guerre éclata, elles étaient en pleine réorganisation ; il fallait donc liquider à la fois et le régime allemand et l’ancien régime français. A la Faculté de Droit, on devait, dans l’enseignement et dans les examens, faire une large place au droit allemand, puisque, longtemps encore, des lois allemandes seront appliquées en Alsace et en Lorraine. D’innombrables questions se posaient ainsi chaque jour. On est arrivé à les résoudre, bien