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que le personnel fût trop peu nombreux et mal secondé par quelques bureaucrates allemands, laissés provisoirement en place, et qui naturellement ignoraient tout du fonctionnement des facultés françaises. Tous les examens ont été passés en français, l’examen d’état, le P. C. N., la licence, etc..

Pour apprécier ces résultats à leur juste valeur, il faut se rappeler dans quelles circonstances ils ont été obtenus. L’Université s’est reconstituée en pleine occupation militaire, alors que le statut de l’Alsace-Lorraine n’était pas fixé par les traités, et que des scrupules de droit public entravaient notre liberté d’action, — situation ambiguë que compliquait la détestable inertie du pouvoir central. Jusqu’à l’arrivée de M. Millerand à Strasbourg, il n’y a pas eu de gouvernement en Alsace-Lorraine. Si, en principe, la décision appartenait aux services de Paris, ceux-ci, en fait, ne décidaient rien. Etaient-ils victimes de cette sorte d’aboulie qui paralyse toute administration française, tant qu’elle n’a pas été réveillée par la menace d’un grand péril ? Ou bien étaient-ils réduits à l’inaction, faute d’avoir su prendre parti entre les deux dans politiques qui prétendaient, chacun à sa façon, régler le sort du pays reconquis, l’un exigeant l’application stricte et immédiate de toutes les lois françaises, l’autre réclamant un régime provisoire, respectueux de certaines coutumes et de certaines institutions ? Quelle que fût la raison de cette carence de gouvernement, elle jetait dans un terrible embarras les doyens et les professeurs de l’Université, comme tous les fonctionnaires : ils passaient leur temps à expédier des « rapports » sans jamais recevoir d’ordres. Ils étaient les premiers à s’en plaindre. Les Alsaciens et les Lorrains s’en plaignaient encore davantage, et leurs doléances, vertement exprimées, étaient fidèlement transmises à Paris, qui continuait de ne rien répondre. Tout changea, lorsque le Président du Conseil eut envoyé à Strasbourg un homme de décision, muni des pleins pouvoirs du gouvernement. Mais on effacera malaisément de l’esprit des Alsaciens l’impression que leur a laissée l’anarchie administrative dont ils furent, quatre mois durant, les spectateurs épouvantés.

En ce qui concerne l’Université, il subsiste certaines méfiances. Elles n’étaient peut-être pas tout à fait injustifiées quand elles furent conçues. Elles céderont, espérons-le, devant