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Académie catholique de Molsheim et lui donna le titre d’ « Université épiscopale ; » elle fut dirigée par les Jésuites français de la province de Champagne et, après l’expulsion des Jésuites, par des prêtres séculiers. A l’Université de Strasbourg rien ne fut changé : sur 18 professeurs, 13 étaient chanoines prébendes de Saint-Thomas et jouissaient à ce titre d’une maison, d’une somme d’argent et d’une provision de blé ; les cinq autres étaient payés par le Magistrat ou par les étudiants ; tous, qu’ils fussent ou non chanoines, devaient jurer qu’ils tenaient pour vraies les doctrines de la confession d’Augsbourg et y conformaient leur vie, et tous suivaient le culte à Saint-Thomas. Aucun catholique, encore moins aucun calviniste, ne pouvait professer à l’Université. Or, les étudiants catholiques suivaient, pour le droit et la médecine, les cours de ces professeurs luthériens. En 1788, apparaît même sur le registre des immatriculations le nom d’un juif. On voit quel esprit de tolérance régnait dans la vieille république de Strasbourg, sous le roi Très-Chrétien.

La Révolution ne se montra pas plus tyrannique que la monarchie. Elle n’inquiéta ni les protestants d’Alsace ni l’Université ; elle excepta leurs biens de la vente des biens ecclésiastiques. Cependant toutes les Universités, celle de Strasbourg comme les autres, sombrèrent dans la tourmente. Une école spéciale de médecine fut fondée, puis une école de droit. Une « Académie luthérienne » instituée en 1803, et qui était un simple séminaire, recueillit l’ancien patrimoine de l’Université. Enfin, en 1808, quand fut créée par Napoléon l’Université impériale, les écoles de droit et de médecine furent érigées en Facultés, auxquelles s’adjoignirent une Faculté des lettres, une Faculté des sciences et, sous la Restauration, une Faculté de théologie protestante.

Ces cinq Facultés vécurent côte à côte jusqu’en 1870. Elles comptaient une quarantaine de professeurs et une vingtaine d’agrégés, en comprenant le personnel de l’École de pharmacie et celui de l’Ecole du service de santé militaire. Elles étaient dispersées dans divers quartiers de la ville, logées sans faste, dotées d’un maigre budget et mal outillées pour les recherches scientifiques. Mais des maîtres illustres occupèrent les chaires de Strasbourg. Pasteur a enseigné la chimie à l’École de pharmacie, puis à la Faculté des sciences. Ce fut là qu’il poursuivit