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1685, Louis XIV chargea son représentant, le « préteur royal, » de maintenir ces mêmes droits et privilèges, d’administrer les biens de l’Université et de veiller à ce que les charges, honneurs et dignités de la dite Université ne fussent accordés qu’à des personnes capables et « bien intentionnées au service du roi. » Cette tutelle royale imposée à l’Université eut le sort de toutes les mesures de contrainte, qui furent alors prises en Alsace : en fait, elle fut bientôt abrogée par la tolérance du pouvoir royal, la modération des fonctionnaires et l’incoercible esprit d’indépendance des Alsaciens. Au début, il y eut quelques conflits entre les préteurs et les recteurs qui eux-mêmes s’entendaient assez mal avec les magistrats de la ville ; les premières années du régime français furent peu favorables à l’Université. Au XVIIIe siècle, celle-ci brilla d’un éclat incomparable. A l’heure où nos vieilles Universités se mouraient de langueur, incapables de faire tête aux audaces de la pensée et de la science avec leurs méthodes surannées et leur appareil médiéval, discréditées par le ridicule de leur formalisme et le scandale de leur vénalité, un grand foyer intellectuel s’allumait à Strasbourg. On y voyait accourir des Allemands et des Français désireux d’écouter les leçons d’historiens comme Schœpflin et Koch, d’hellénistes comme Schweighœuser, de naturalistes comme Hermann, de jurisconsultes comme Schiller et Silberrad. La France peut hardiment revendiquer cette gloire. Les maîtres qui répandaient alors dans le monde la renommée de l’Université de Strasbourg, étaient, tous, des Alsaciens, Français de nation et Français de sentiment. « Parmi tous les biens dont l’Alsace est comblée, disait Schœpflin, je regarderai comme le plus grand que, gauloise par ses origines, elle soit revenue à la France. » Lorsqu’on 1872, Guillaume Ier signe le diplôme de l’Université allemande, il veut qu’on y attache le sceau de l’ancienne Université, et les professeurs allemands célèbrent à l’envi les maîtres du XVIIIe siècle, prétendant être leurs légitimes successeurs : autant de mensonges. Française fut l’Université du XVIIIe siècle, française comme l’admirable parure de monuments et d’œuvres d’art dont se décora, dans le même temps, l’Alsace tout entière.

Elle continua, il est vrai, d’être exclusivement luthérienne. Le roi de France n’avait pas touché au statut religieux de l’Université. En 1752, Louis XV transféra à Strasbourg l’ancienne