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versées par les étudiants pour frais d’études, d’inscriptions, de bibliothèque et de travaux pratiques, on leur a donné un « principe de vie et d’émulation, » selon l’expression de M. Poincaré dans l’exposé des motifs de la loi. Ce « principe de vie » eût été plus actif et plus fécond, si les droits du ministre avaient été moins larges et moins absolus. Mais que l’on compare les pouvoirs légaux du Conseil à ceux que laissait au Sénat la présence du curateur impérial, et l’on verra que l’Université ne perdra rien à passer sous le régime de la loi française.

Ceux qui voudraient garder la structure et les rouages de l’ancienne Université, redoutent surtout la présence d’un recteur fonctionnaire de l’État. Avouons que le rectorat est chez nous une institution assez saugrenue. Le recteur dirige à la fois les enseignements primaire, secondaire et supérieur de son ressort : c’est beaucoup pour un seul fonctionnaire. M. Millerand a déchargé le recteur de Strasbourg du soin de gouverner les écoles et les lycées. Mais le rôle du recteur vis-à-vis de l’Université n’en reste pas moins paradoxal. Dans notre vieux système universitaire, il était un agent de l’Etat. Il n’a pas cessé de l’être, mais, depuis 1896, il est devenu, en même temps, le représentant de l’Université ; si bien qu’il fait tour à tour deux personnages qui peuvent et même, en certaines occasions, doivent différer d’opinion. Il tient ses pouvoirs du ministre, et c’est lui qui convoque le Conseil. S’il était un simple délégué du ministre, il pourrait faire cette convocation à son gré, mais c’est le Conseil qui en fixe la date par son règlement intérieur. Président du Conseil, il fait exécuter ses décisions et, en son nom, ordonne les dépenses, passe les marchés, accepte les dons et les legs... Le lendemain, le voici de nouveau délégué du ministre pour nommer aux emplois de professeur.

Il est fort probable qu’un jour, franchissant la seconde étape prévue par Liard, on finira par dédoubler la fonction : le Conseil élira un président pour le représenter, tandis que le ministre chargera un fonctionnaire d’exercer le contrôle de l’État sur la gestion de l’Université. Malheureusement, il est non moins probable que, ce jour-là, s’élèveront de terribles conflits entre le Président du Conseil de l’Université et le représentant de l’État. Sous le régime allemand, le curateur et le recteur ne vivaient pas en trop mauvaise intelligence ; le recteur ne passant qu’une année à la tête de l’Université se contentait