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théologie catholique. Elle n’existait que depuis 1903. Gréée après de laborieuses négociations avec le Saint-Siège, c’était, dans la pensée du gouvernement, un outil de germanisation. Jusqu’alors le clergé alsacien avait été instruit dans les séminaires par de vieux maîtres fidèles au souvenir de la France, et l’on attribuait à cette formation sa sourde et persévérante hostilité à l’Allemagne. On estima que, mêlés aux étudiants de l’Université, les jeunes clercs seraient plus accessibles aux idées germaniques et se rapprocheraient peu à peu du Centre allemand. Il faut ajouter que la fondation de cette Faculté s’accordait assez mal avec les traditions séculaires de l’Université fortement attachée au luthérianisme par ses origines et par les fondations de Saint-Thomas qui continuent de former une partie de son patrimoine. Sous ce rapport, il ne pouvait déplaire aux catholiques, c’est-à-dire à la grande majorité des Alsaciens-Lorrains, que l’Allemagne démantelât elle-même la vieille forteresse construite par la Réforme à Strasbourg. Quelle allait être l’attitude de la France ? Au premier abord, il pouvait sembler politique et généreux de prendre ici le contre-pied de l’Allemagne, de rendre l’instruction des clercs aux séminaires et de fermer la Faculté ; cette conduite eût paru d’autant plus naturelle qu’aujourd’hui l’on n’enseigne la théologie catholique dans aucune des Universités de France. Le gouvernement s’est cependant arrêté au parti contraire : il a cru qu’il fallait éviter toute mesure qui diminuât l’importance de l’Université, et il a été convaincu que les catholiques alsaciens verraient dans la suppression de la Faculté le triompha de certaines influences protestantes. Respecter le statu quo était pour lui le moyen de se tenir à l’écart des querelles confessionnelles qui sont le fléau de l’Alsace. Ces raisons étaient excellentes ; mais le recrutement des professeurs souffrira peut-être quelques difficultés ; il n’est pas certain que les Instituts catholiques de France voient d’un œil très favorable cette école concurrente, instituée et soutenue par l’Etat.


Les étudiants. — En 1913, sur 2 037 étudiants on comptait 1 040 Alsaciens-Lorrains. Cette statistique, comme toutes les statistiques allemandes, était, d’ailleurs, inexacte. Sous le nom d’Alsaciens-Lorrains, elle comprenait les fils d’immigrés et les fils de fonctionnaires, même nés hors de la « Terre d’empire. »